Var-Matin (Grand Toulon)

Monsieur Fraize à contre-courant

- PROPOS RECUEILLIS PAR VALÉRIE PALA

Lui, c’est tout le contraire du type qui ramène sa fraise (pardon pour le jeu de mots facile, mais moi aussi, j’en ai bavé en maternelle !) Et pourtant, quand Monsieur Fraize entre (ou essaye d’entrer en scène), tout le monde retient son souffle. Ce personnage, c’est nous. Quelqu’un d’ordinaire qui se retrouvera­it dans une situation extraordin­aire, avec tout ce que cela comporte de silences, hésitation­s, timidité, vérité. Ce mec un peu tombé de la lune arrive à nous faire rire dans les situations les plus banales, par identifica­tion. Un humour à contre-courant, que Marc Fraize cultive. Il lui a valu d’être remarqué par Eric Judor – autre grand rêveur –, qui l’a fait tourner dans Problemos. Le cinéma le courtise et il tient le troisième rôle dans le prochain film de Quentin Dupieux, présenté en mai prochain à Cannes. Ne pas le croire provocateu­r serait le sous-estimer, lui qui cultive aussi la rareté pour ne pas ressembler aux autres et est allé jusqu’à annoncer qu’il faisait relâche pendant le festival d’Avignon. En vrai gentil, il s’inquiète ensuite aussitôt de ses déclaratio­ns – « je ne voudrais pas avoir l’air de critiquer mes collègues, c’est chacun son rythme vraiment ». Une interview « à contre-courant» s’imposait, avant son spectacle au Colbert, vendredi.

Vous interpréte­z un personnage réservé, un trait dont on fait rarement l’éloge. Pourquoi ce choix ? Il a été instinctif, ce choix-là. Lorsque je me suis lancé dans l’exercice du one-man-show, il y a dix-sept ans, c’était déjà un peu la naissance du stand-up, qui reflète le fait qu’on est comme le public, mais en plus, on est très drôle, et on assure quoi. Moi qui me suis jamais tellement trouvé beau, je me suis dit : “Je vais essayer de faire le contraire.” Pour me faire remarquer déjà et ensuite parce que j’avais, comme beaucoup, plein de complexes, et je m’étais dit que c’était un bon angle d’attaque que de les montrer. L’idée, c’était de montrer quelqu’un qui n’était pas sûr de lui. Et j’ai poussé ce manque de confiance jusqu’au bout.

Vous n’aimiez pas l’école et son système de compétitio­n et, quelques années après, vous faites le buzz en refusant le thème imposé par Ruquier dans On ne demande qu’à en rire. Encore une façon d’être à contre-courant ? Exactement. J’ai utilisé la méthode que je connaissai­s par coeur. Cette émission, j’avais franchemen­t pas envie d’y aller, (...) parce que déjà la télévision, mais en plus une émission un peu formatée, à la limite du concours à la recherche de la nouvelle star de l’humour... Je me suis dit, il faut y aller en montrant complèteme­nt autre chose, donc je n’ai pas eu à chercher bien loin, puisque je pratiquais les silences et la gêne depuis déjà un petit moment. Ça les a surpris, ils n’ont pas compris pourquoi ça les faisait rire (ça, je pense que c’est par manque de culture !)

Contrairem­ent aux autres, vous n’enchaînez pas les stand-ups, mais en donnez une fois par semaine. Vous arrivez à rester à contrecour­ant ? Déjà, je ne suis pas du tout catalogué dans le tiroir du stand-up, qui est très rapide. C’est de la vanne, on prend à partie. Moi, c’est un mélange de clown, de truc un peu théâtral, j’écris autour du personnage... J’avais fui cette jungle parisienne, puis finalement quelqu’un est venu me proposer de jouer à Paris dans des conditions qui étaient les miennes, c’est-à-dire jouer moins souvent... En deux ans à Paris, j’ai eu mon petit succès. Du coup, il faut un petit peu jongler. Je m’apprête, à la rentrée prochaine, à retourner à Paris. Je suis prêt à mettre les bouchées doubles, mais pas triples. C’est comme le mec qui a du succès au cinéma. Quand on le voit, après, dans trois films par an, on finit par se lasser ou se méfier, en se disant : est-ce qu’il serait pas en train de faire du fric ? La plupart du temps, c’est un peu le cas (rires)...

Dans la vie, vous vivez aussi à un rythme différent des autres ?

Totalement, lorsque j’ai eu des enfants il y a onze ans, j’ai décidé, avec ma femme, de vivre à la campagne. J’habite un petit village de trois cents habitants et je prends ma petite auto, le TGV... A la campagne déjà, le temps est plus long, ça m’arrange mieux, j’aime bien ça. En revanche, il est hors de question que je sois en retard. Puisque j’ai le temps dans la vie, j’arrive une heure à l’avance !

Savoir + Vendredi à 20h30 au Colbert, tarif normal, 26,20 euros. Billetteri­e dans les points de vente habituels et rens. et rés. www.lecolbert.fr

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(Photo DR) Monsieur Fraize est en spectacle au Colbert, ce vendredi.

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