Var-Matin (Grand Toulon)

Assises: tir mortel à Hyères ce n’était pas un accident

Les experts de la police scientifiq­ue estiment la version de l’accusé d’un tir parti par accident incompatib­le avec leurs constats. Pour l’arme, personne ne veut endosser la responsabi­lité

- G. D.

Au deuxième jour de son procès, devant la cour d’assises du Var, pour le meurtre d’Imad Mahmoudi, 24 ans, le 11 octobre 2014 en début d’aprèsmidi, à la cité du Val des Rougières à Hyères, Abderrazak Touta ne semblait plus hier invoquer la thèse d’un coup de feu accidentel. Sur les cinq experts entendus dans la matinée, trois avaient estimé celle-ci incompatib­le avec ce qu’ils avaient constaté en laboratoir­e, tout autant qu’avec la reconstitu­tion.

Thèse incompatib­le

L’accusé y avait montré son face à face ultime avec Imad Mahmoudi, lui-même tenant l’arme dirigée le canon vers le bas, vers les jambes de la victime qui tenait sa main armée pour tenter d’en arracher le revolver. Il avait indiqué que le coup de feu était parti à ce moment. Le médecin légiste a décrit une pénétratio­n du projectile au milieu de la tempe gauche, entre l’oeil et l’oreille, la balle étant sortie au milieu de l’arrière du crâne, entraînant les «lésions cérébrales gravissime­s » qui étaient à l’origine de la mort. Le tir avait eu lieu à 20 cm de la tête. «À cette distance, on a retrouvé des incrustati­ons de poudre brûlante sur l’orifice d’entrée. Mais il n’y avait pas ce type de traces, caractéris­tiques d’un tir de près, sur les mains de la victime. Donc il n’y a pas eu de contact entre ses mains et l’arme au moment du tir. »

Le coup n’est pas parti tout seul

Quant au balisticie­n de la police scientifiq­ue, il a noté que l’accusé avait dit qu’il tenait l’arme sans avoir mis un seul doigt à l’intérieur du pontet. « Ce Colt Python 357 magnum est équipé d’une sûreté de choc. Il faut donc nécessaire­ment avoir le doigt sur la queue de détente et appuyer pour que le coup parte. » En revanche, les experts ont noté que ce qu’ils avaient observé était compatible avec la scène décrite par trois témoins. Ils disaient avoir vu Abderrazak Touta braquer l’arme près de la tête d’Imad Mahmoudi et ouvrir le feu. « Je ne contredis pas les experts, peut-être que mon doigt a glissé sur la gâchette» ,a conclu l’accusé.

Qui a pris l’arme ?

Un des témoins est revenu sur ce moment en apportant des précisions. « Touta est allé au bâtiment E. Il en est revenu avec une arme. Il a pointé un peu tout le monde, de droite à gauche, puis il a mis l’arme sur la tête d’Imad et a tiré. » Et sur une question du président Delaunay : « J’ai entendu la voix de Nabil Djebien qui disait “Fume-le”. J’en suis sûr, je connais sa voix. » Le Colt ne lui était pas non plus inconnu : « Je l’avais vu la veille. Sofian Djebien, le frère de Nabil, me l’avait montré. Il disait qu’il venait de le récupérer. Il était dans une sacoche noire. » Sacoche qui a été retrouvée lors de l’enquête dans la chambre de Sofian Djebien. Soumise aux expertises, elle contenait des résidus de tir de la même compositio­n que ceux de l’arme du crime. Abderrazak Touta et Rachid Bagha (dont la dette vis-àvis de la victime a été à l’origine de la rixe) étaient en désaccord au sujet de l’arme. « C’est lui qui est allé la chercher dans le bâtiment E, et je la lui ai arrachée des mains à l’extérieur », a soutenu l’accusé. «Non , a opposé Rachid Bagha. Mais, c’est normal qu’il dise ça pour se défendre. » La cour entendra d’autres témoins aujourd’hui.

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(Croquis d’audience Rémy Kerfridin) Abderrazak Touta semble ne plus soutenir la thèse de l’accident.

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