Var-Matin (Grand Toulon)

Carrefour et le nouveau monde

- L’ÉDITO de DENIS CARREAUX Directeur des rédactions du groupe Nice-Matin edito@nicematin.fr

« Plus besoin de prendre sa voiture, on achète à nouveau près de chez soi. Et le bio n’est plus réservé aux bobos. »

Ce n’est pas pour rien qu’Alain Minc dit de lui qu’«il est au business ce que Macron est à la politique ». Aux commandes de Carrefour depuis seulement six mois, Alexandre Bompard a dévoilé hier un plan de transforma­tion réaliste et ambitieux. A  ans, ce proche du président de la République qui admet, lui aussi, se « sentir jupitérien », avance sans états d’âme. « Nous allons droit dans le mur si nous ne nous transformo­ns pas très vite ». Les cent plus hauts dirigeants de Carrefour France venus rencontrer leur nouveau patron à la fin de l’été en ont été pour leurs frais. Longtemps champion de l’innovation, devenu numéro deux mondial de la grande distributi­on au début des années , Carrefour s’est embourgeoi­sé jusqu’à devenir un « poulet sans tête, malade et sans stratégie », selon les propres mots de Georges Plassat, le prédécesse­ur d’Alexandre Bompard. Sclérosée et cloisonnée, l’organisati­on de Carrefour est obsolète. A l’heure de la réactivité et de l’agilité, il faut encore  étapes de validation avant d’éditer un prospectus maison ! S’adapter ou mourir : comme beaucoup d’entreprise­s, petites ou grandes, Carrefour n’avait plus le choix. Le modèle imaginé dans les années  au rez-de-chaussée d’un immeuble baptisé « Carrefour » à Annecy s’est imposé et développé pendant cinq décennies. Importé des Etats-Unis, le concept d’hypermarch­é a transformé la périphérie des villes et bouleversé les habitudes de consommati­on. Un demi-siècle plus tard, celles-ci sont remises en question au profit d’Internet, mais aussi de petites enseignes de proximité davantage dans l’air du temps. Plus besoin de prendre sa voiture, on achète à nouveau près de chez soi. Quant au bio, il n’est plus réservé aux bobos. On regarde davantage ce qu’on mange et on fait de moins en moins confiance aux grosses enseignes. Celles-là même qui n’ont pas jugé utile de retirer les produits Lactalis de leurs rayons après les rappels des lots suspects. Enfin, avec seulement  % de ventes en ligne, le géant français est clairement menacé par des mastodonte­s du e-commerce qui ont bien l’intention de faire leur beurre sur l’alimentair­e. L’ouverture lundi à Seattle d’une supérette Amazon « intelligen­te » sans caisses ni employés a inauguré une nouvelle ère. Et nous fera peut-être bientôt regretter nos bons vieux hypermarch­és.

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