Var-Matin (Grand Toulon)

« Une mission de terrain »

Déléguée sécurité des rallyes auprès de la FIA depuis 2016, Michèle Mouton se fait un devoir de passer au peigne fin chaque épreuve spéciale juste avant l’ouverture de la chasse au chrono

- PROPOS RECUEILLIS PAR GIL LÉON

Tous derrière et elle devant ! En charge au sein de la Fédération Internatio­nale de l’Automobile (FIA) de coordonner la sécurité sur les manches du championna­t du monde depuis 2016, après avoir été manager général du WRC durant cinq ans, Michèle Mouton enchaîne toujours les épreuves spéciales à vive allure. Si elle ne tutoie plus la limite volant en main, la Grassoise, unique membre de la gent féminine ayant embrassé la victoire au top niveau - quatre succès en 1981 et 1982 -, passe en revue chaque virage et ses abords juste avant le feu vert du directeur de course. Rencontre hier à Monaco, alors que le premier tournant de la nouvelle saison se profile entre Thoard et Sisteron...

Michèle, c’était il y a  ans : quel souvenir gardez-vous du Rallye Monte-Carlo , votre seule course à bord d’une Lancia Stratos? Ah oui, c’est vrai, ça ! (rires) Je me rappelle d’abord qu’il y avait beaucoup de neige cette année-là. Après une très brève prise en main, je me faisais de la bile. Le principal pic de stress fut d’ailleurs atteint sur la ligne de départ de la première spéciale presque entièremen­t blanche : Peïra Cava-La Bollène. Là, je me suis dit : bon, jusqu’au col (Turini, ndlr), ça ira. Mais ensuite, dans la descente, où va-t-on atterrir ? Finalement, quel bonheur ! Et quelle belle voiture ! Expérience unique mais fantastiqu­e... Le Monte-Carlo dans la peau de la déléguée sécurité FIA, est-ce la même tension, la même adrénaline qu’au volant ? Si les nerfs sont également soumis à rude épreuve, difficile de comparer les deux rôles. Le pilote, vous savez, il ne s’occupe que de lui et de sa machine. Aujourd’hui, en revanche, ma fonction concerne beaucoup de monde. Elle génère aussi du stress, parce que je dois faire en sorte que la course se déroule bien. Assurer un niveau de sécurité maximal pour les concurrent­s et le public, cela nécessite un gros travail en amont avec les organisate­urs. Aucun détail n’est négligé.

Àans,votrevie manquerait de sel si elle n’était plus étroitemen­t liée aux rallyes ? On peut se faire à tout, je pense. Mais, en effet, la tâche qui est la mienne aujourd’hui me convient, me satisfait. Il s’agit d’un rôle concret. Une mission de terrain très motivante. En tant que pilote, plutôt que d’être clouée dans un bureau, je préfère parcourir toutes les spéciales en voiture avant le passage de la course. Même si là, je suis assise dans le siège de droite. Pas ma place préférée, loin s’en faut ! (sourire)

Treize courses au calendrier, quatre constructe­urs engagés : le visage du WRC  vous plaît ? Oui, bien sûr. On a déjà eu un championna­t fabuleux en , avec plein de vainqueurs différents. Celui-ci se présente sous les meilleurs auspices. Le retour de Ford marque un progrès. Et puis il y a aussi le promoteur qui enclenche la vitesse supérieure en proposant désormais la diffusion de toutes les spéciales en direct. Le WRC est en pleine expansion. Tant mieux !

Yves Matton vient de lâcher les rênes de Citroën Racing pour devenir le nouveau directeur des rallyes de la FIA. C’est l’homme de la situation ? Je pense que c’est un bon choix. Yves en connaît un rayon en matière d’organisati­on et de compétitio­n. Pour moi, il est tout à fait capable de prendre le relais. Au début, peut-être qu’il lui manquera l’expérience du travail au sein d’une Fédération. Mais il est très motivé, donc ça viendra vite.

Question cash : les WRC actuelles sont-elles trop performant­es, comme les groupe B des années  ? Les voitures d’aujourd’hui, belles et spectacula­ires, s’avèrent beaucoup moins compliquée­s à exploiter. Leur structure, les liaisons au sol, la sécurité active, ont énormément évolué. Alors, d’accord, compte tenu de l’augmentati­on des performanc­es, les copilotes doivent revoir leur système de note. Le simplifier. Ils s’adaptent, comme nous, à l’époque... Mais demandez aux pilotes s’ils regrettent les WRC de . Tous vous diront qu’ils préfèrent celles de maintenant. Pareil pour les spectateur­s.

La liste des engagés ne compte qu’une seule pilote féminine. Que faut-il faire pour essayer d’inverser la tendance? La principale difficulté, aujourd’hui, c’est de réunir des budgets, des sponsors. À mon avis, il faudrait donc trouver des solutions pour que les voitures de course coûtent moins cher. Travailler sur des formules d’accès à la compétitio­n plus avantageus­es afin que tout le monde puisse se lancer.

Sébastien Ogier qui prolonge son règne en  au sein d’une équipe privée, ça vous a surpris ? Oui et non. D’un côté, quand vous subissez le départ soudain d’un constructe­ur (Volkswagen) avec lequel vous dominiez la discipline, ce n’est pas facile de redémarrer sur une feuille blanche ou presque, a fortiori en disposant de moyens inférieurs. Mais quand on connaît son talent de super pilote et de tacticien, il n’y a rien de très étonnant. On pouvait l’imaginer capable de relever un tel défi.

Et le prochain come-back à temps partiel de Sébastien Loeb, qu’en pensez-vous ? Il a goûté d’autres discipline­s ces dernières saisons. Nulle part il n’a ressenti les frissons offerts par une spéciale de rallye. C’est lui-même qui le dit. Par conséquent, s’il s’estime capable de tenter le challenge, pourquoi pas ? On sera content de le revoir.

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