Var-Matin (Grand Toulon)

Le berger a perdu  bêtes après l’attaque du loup Hyères

Un mois après avoir trouvé ses brebis et agneaux massacrés au Plan-du-Pont, Thomas Charrier revient sur les conséquenc­es de cette terrible nuit du 28 au 29 décembre 2017

- PEGGY POLETTO

Le loup à Hyères. Il ne voulait pas y croire. Il a pourtant déjà subi une attaque le 12 octobre à Colmars-les-Alpes (04) où vingt de ses bêtes avaient péri sous des crocs puissants. Mais à Hyères, dans un champ de luzerne du Plan-du-Pont, en zone périurbain­e, il ne l’aurait jamais imaginé. Cette nuit du 28 au 29 décembre 2017 est gravée dans sa mémoire. Un cauchemar pour ce berger de 32 ans, passionné par ce métier exercé de père en fils que luimême transmet à son petit garçon de 5 ans. Un mois plus tard, c’est avec la même émotion qu’il évoque la scène vécue au petit matin, après l’appel d’un chasseur qui venait de découvrir un troupeau totalement affolé et dispersé au-delà des filets de protection. « Je suis passé par le Fenouillet. J’ai vu Lulu, une de mes brebis préférée. Morte. En sang. Et puis, il y avait d’autres cadavres… » Sur le troupeau de 627 bêtes, dixsept seront trouvées mortes et deux autres succombero­nt, attaquées par un prédateur. Un ou plutôt plusieurs loups évoquent les constats. Des chiens sauvages supputeron­t certains. «On a la preuve par A plus B qu’il s’agit de loups. Les faits sont là », dédéclare le jeune homme. Les empreintes de crocs sont caractéris­tiques. Les nuques des brebis et des agneaux ont été brisés avec une force phénoménal­e. Déchiqueté­es. « Deux bêtes ont été consommées. Les autres c’était juste pour attaquer ».

« Je voulais retrouver toutes mes bêtes »

L’hypothèse de l’éducation à l’attaque de louveteaux est émise pour expliquer cet acharnemen­t. Quant au reste du troupeau paniqué, nombre d’animaux ont disparu dans la nature. « Au lendemain de cette attaque, j’ai voulu attirer l’attention de la population sur ma situation. J’avais des centaines de bêtes qu’il fallait absolument retrouver. Je voulais que l’on m’alerte simplement si quelqu’un en voyait une. Je n’étais pas là pour me lancer dans une propagande contre les loups ! ». Pas question pour lui de polémiquer mais de rassembler ces animaux. Un mois plus tard, 93 brebis et agneaux n’ont pas été récupérés, soit plus de 10 % de son cheptel. « Une partie a dû servir de gardemange­r pour ces prédateurs. Les loups ne sont pas des charognard­s. Ils aiment la chair fraîche », relèvet-il. Pragmatiqu­e, il admet avoir gardé certains commentair­es en travers de la gorge. De la médisance gratuite qui l’accuse de crier au loup pour être indemnisé. Thomas Charrier est direct sur le sujet. « J’ai perdu des bêtes en septembre 2017, je viens à peine d’être indemnisé. C’est à moi de faire l’avance pour compléter mon troupeau. » Papiers en main, il nous révèle une autre « peur » du loup. Plus administra­tive. Jusqu’au justificat­if de remboursem­ent, il n’est jamais fait mention du mot « loup ». Après les constatati­ons, il est évoqué une « attaque de grand canidé ». Et, mystère, au moment du règlement, le mot qui fait peur apparaît : « Indemnité pour des dommages causés par le loup ». Pourquoi une telle hypocrisie ? A l’horizon du « Plan loup 2018-2023 » (1), le sujet est sensible.

La situation empire

Loin d’entrer dans un combat antiloup ou pro- loup, le trentenair­e souhaite que l’on tienne compte de la situation qui empire pour les éleveurs. « Nous sommes là pour faire du pastoralis­me. Au Plandu-Pont, j’interviens d’ailleurs dans le cadre d’une convention avec la ville d’Hyères. On élève des animaux dans la nature, à l’air libre. Ils broutent de l’herbe, de la luzerne. Ils ne sont pas élevés en batterie dans des hangars. Que veut-on ? Ne faut-il pas sécuriser notre activité pour être protégé de ce prédateur ?» . Selon lui, d’ici 25 ans, la situation sera catastroph­ique. « Les forêts ne seront plus entretenue­s et la population de loups va s’accroître. Le pastoralis­me sert à réguler la végétation ! ». Et qui dit absence d’entretien dit risques supplément­aires d’incendie. En attendant, l’éleveur vit dans la crainte d’un nouveau carnage. Si rien n’est fait. 1. Il définit la politique adoptée par le gouverneme­nt au sujet de l’espèce Canis lupus jusqu’en 2023

Une présence humaine sur place Dans les jours qui ont suivi, le berger était sur place de jour comme de nuit avec ses chiens. « La présence humaine contribue à éloigner le loup mais ne suffit pas ». L’homme avoue que la charge émotionnel­le a été forte. « On aime nos bêtes. Les voir mortes, ensanglant­ées est difficile. On n’est pas là pour nourrir les loups».

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(Photos Laurent Martinat) Au lendemain de l’attaque, des centaines de brebis et d’agneaux ont disparu dans la nature au Plan-du-Pont.
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Une des bêtes trouvée avec une nuque brisée.
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Thomas Charrier, un berger passionné par son métier.

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