Cahuzac évoque sa «peur» d’aller en prison
Le procès en appel de l’ex-ministre du Budget s’est ouvert hier à Paris. Il avait été condamné à trois ans d’emprisonnement en 2016 pour avoir dissimulé au moins 3,5 millions d’euros aux impôts
Cinq ans après le scandale de son compte caché, Jérôme Cahuzac dit sa «peur» d’aller en prison. Le procès en appel de l’ex-ministre du Budget, condamné à trois ans de prison ferme pour fraude fiscale et blanchiment en 2016, s’est ouvert hier à Paris. Cette fraude restera comme le plus retentissant scandale du mandat de François Hollande. L’ancien élu était resté libre après avoir fait appel de sa condamnation. «Je ne souhaite pas que ma mère et mes enfants me voient aller en prison. J’éprouve un sentiment assez banal, la peur. La peur d’aller en prison, j’imagine comme tout le monde», a-t-il dit d’emblée. «Je reconnais les faits. J’ai décidé d’interjeter appel d’abord en pensant aux miens», a souligné Jérôme Cahuzac, chemise blanche ouverte et sobre veste noire. Jusqu’au 21 février, l’ancien député socialiste du Lot-deGaronne, devenu un paria de la politique, devra répondre à nouveau de fraude fiscale (2010-2012) et blanchiment (2003 à 2013), une faute «d’une exceptionnelle gravité» pour laquelle le tribunal correctionnel l’a condamné le 8 décembre 2016, outre la prison, à cinq ans d’inéligibilité. Sans amende, les époux Cahuzac s’étant acquittés d’un redressement majoré d’environ 2,5 millions d’euros.
Interrogatoire sur les faits aujourd’hui
Une confirmation du jugement enverrait l’ancien ministre derrière les barreaux alors qu’une peine égale ou inférieure à deux ans d’emprisonnement ouvrirait la possibilité d’un aménagement de peine. Ses avocats Eric Dupond-Moretti et JeanAlain Michel devraient plaider qu’une incarcération de leur client «n’est pas justifiée par la gravité des faits», estimant qu’on ne pouvait pas retenir comme circonstance aggravante sa qualité de ministre alors que la fraude avait démarré bien avant. À la barre, l’ancien ministre, qui vit la plupart du temps reclus en Corse, n’en dira pas plus. Après un bref exposé des faits, dans une salle bondée, le président Dominique Pauthe a suspendu l’audience. Aujourd’hui aura lieu le premier interrogatoire de l’ancien chirurgien sur les faits. La journée de demain devrait être consacrée à la personnalité de Jérôme Cahuzac, les réquisitions étant attendues le 20 février.
«Electrochoc salutaire»
Il y a cinq ans, le scandale de l’annonce de son compte caché en Suisse avait fait trembler le gouvernement avant d’entraîner «un électrochoc salutaire» comme l’a souligné l’ONG Transparency International, avec la création d’un parquet national financier et d’une agence anticorruption. Devant la cour d’appel, l’ex-élu est seul face à ses juges, avec l’ex-avocat genevois Philippe Houman, «cheville ouvrière» du transfert des avoirs de Suisse à Singapour, condamné à un an de prison avec sursis et à l’amende maximale de 375 000 euros. Les autres protagonistes de l’affaire ont renoncé à faire appel: l’exépouse de Jérôme Cahuzac, Patricia Ménard, condamnée à deux ans de prison et dont la peine est en cours d’aménagement, la banque genevoise Reyl et son patron, qui ont écopé de l’amende maximale. Quand, en décembre 2012, le site d’informations Mediapart révèle que le ministre du Budget a un compte en Suisse, Jérôme Cahuzac commence par nier. Il finira par démissionner le 19 mars 2013, puis avoue le 2 avril. Le procès a aussi mis à nu les secrets bancaires d’un couple dans la tourmente. Dans les années 90, il fallait placer l’argent qui coulait à flot de la florissante clinique d’implants capillaires gérée par les époux. Ce sera plutôt la Suisse pour lui, l’île de Man pour elle. Leur patrimoine global dissimulé est estimé à 3,5 millions d’euros.