Var-Matin (Grand Toulon)

Martin Fourcade plus fort que J.-C Killy

Au terme d’une mass start à couper le souffle, irrespirab­le jusqu’au bout, Martin Fourcade a devancé d’un cheveu l’Allemand Schempp pour entrer dans les annales avec 4 titres olympiques

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L’Histoire retiendra que c’est grâce à l’aide de la photo-finish que le Pyrénéen a écrit une nouvelle page de sa légende. Mais ces quelques millimètre­s qui l’ont séparé de Schempp à l’arrivée font toute la différence : Fourcade est désormais un géant parmi les géants et son 4e sacre, aussi étroit soit-il, restera à coup sûr dans toutes les mémoires et le place désormais au même niveau que les escrimeurs Christian D’Oriola et Lucien Gaudin. Jean-Claude Killy, avec qui le sextuple tenant de la Coupe du monde partageait l’honneur d’être le plus titré des sportifs français aux Jeux d’hiver, est bel et bien dépassé et l’aura du tout nouveau quadruple champion olympique surpasse maintenant largement le cadre de son sport et des discipline­s sur neige. La course des rois, comme on surnomme la mass start dans le petit monde du biathlon, a couronné un athlète d’exception sur un scénario qui a rappelé étrangemen­t celui de 2014 à Sotchi quand le Norvégien Emil Svendsen avait battu Fourcade sur le fil. Sauf que cette fois, c’est le Français qui en est sorti vainqueur. A l’arrivée pourtant, il tapait de rage son bâton dans la neige. Avant la délivrance. « C’est beaucoup de bonheur, a réagi le Français. C’est une sensation tellement bizarre parce que j’ai cru tellement avoir perdu ce sprint. C’est génial. On ne mérite pas un titre olympique, ça se gagne. Jai vu Tony (Estanguet, triple champion olympique, ndlr) et on m’a parlé de Jean-Claude (Killy, ndlr). C’était confortabl­e de marcher dans leurs pas. Je ne me suis jamais battu pour ça, je ne rêve pas d’écrire l’Histoire. Je ne suis pas un cannibale de ça. Ce n’était pas un rêve de gosse. Je rêve de faire mon sport et de le faire bien.» Il fallait tout de même un mental de champion pour résister à la pression des derniers jours et à cet échec incompréhe­nsible lors de l’Individuel (5e), perdu jeudi sur ses deux derniers tirs alors que ce record tant espéré lui tendait les bras. Mais comme après sa 8e place sur le sprint quand il avait trouvé les ressources mentales nécessaire­s pour aller chercher l’or de la poursuite 24 heures plus tard, il a su réagir avec cet orgueil qui fait toute sa force. Durant la mass start, un départ catastroph­ique (1 erreur au tir couché) et une petite chute auguraient pourtant du pire. Mais Fourcade a réussi à revenir sur la tête de la course après avoir refait un retard de plus de 20 secondes, pour ensuite se débattre avec deux Allemands des plus coriaces, Schempp et Benedikt Doll. A l’issue du 4e et ultime passage au pas de tir et malgré une nouvelle faute, Fourcade et Schempp se sont retrouvés seuls. Jusqu’à ce dénouement incroyable, qui restera à jamais gravé dans les souvenirs du Français et sera à n’en pas douter l’une des images fortes de ces JO-2018. Son grand rival Johannes Boe, lauréat de l’Individuel, avait lui rendu les armes depuis bien longtemps terminant 16e. Le héros du jour avait lui bien préparé son coup. « Il n’était pas tendu, c’était le mec appliqué, il avait bien récupéré, a expliqué Franck Badiou, l’entraîneur de tir des Bleus. L’Individuel avait fait du mal. C’est fabuleux, on aura eu le plaisir de croiser son parcours, c’est un mec remarquabl­e. Le fait de savoir réagir, c’est sans doute un de ses moteurs les plus importants. Mais c’est aussi aller dans l’excellence. Il sait où est son niveau, faire des choses pleines, utiliser sa science de la discipline, pour être là où il doit être.» Fourcade est bel et bien unique.

J’ai cru tellement avoir perdu ” “Avant

les courses, j’imagine toujours les choses les plus horribles qui pourraient se passer et finir au sprint contre un des meilleurs (Simon Schempp, ndlr), c’était quelque chose que je redoutais”. Martin Fourcade

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(Photos AFP/MaxPPP)

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