«Sur les migrants, l’Europe oscille entre deux logiques»
Alors que le sujet des migrants brûle l’actualité, une conférence sur la politique migratoire de l’UE se tiendra vendredi à la faculté de droit. Entretien avec Caterina Severino, organisatrice de l’événement
« La politique migratoire de l’Union européenne à l’aune de la protection des droits fondamentaux». C’est le nom de la conférencedébat qui se tiendra vendredi dans les murs de la faculté de droit, alors qu’est présenté aujourd’hui le projet de loi sur l’immigration et le droit d’asile en Conseil des ministres. Organisatrice de l’événement, et responsable du Master « Migrations et droit des étrangers » de la faculté de droit de Toulon, Caterina Severino dresse pour Varmatin le constat de la situation des migrants sur le Vieux continent.
Vous organisez un débat sur la politique migratoire deux jours après la présentation du projet de loi sur l’immigration par Gérard Collomb… On peut dire que vous avez le sens de l’actualité… Ça s’est fait par hasard ! Ifoualt-Raphaël Gnaledome, l’étudiant responsable de l’antenne locale d’Amnesty International qui a eu l’idée de la conférence, m’a soumis l’idée en octobre dernier…
En tant que spécialiste des droits des étrangers, quel regard portez-vous sur les premiers éléments de ce projet de loi ? Il y a des choses qui peuvent faire penser à une diminution des droits des migrants, comme l’augmentation de la durée de rétention (qui a lieu, pour un étranger en situation irrégulière, avant d’être expulsé du territoire, Ndlr) de à jours. Mais ça ressemble beaucoup à un effet d’annonce. Dans la réalité, les étrangers en situation irrégulière sont expulsés au bout de - jours. Quant à la réduction de neuf à six mois pour avoir la réponse à une demande d’asile, sur le papier, ça peut être bien. Mais concrètement, il ne faut pas oublier que les demandeurs d’asile ont souvent des parcours de vie très difficiles, qu’il leur faut du temps pour raconter leurs histoires. Et qu’il faudrait aussi augmenter les moyens de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides, Ndlr). Or, à ma connaissance, ce n’est pas prévu dans le projet de loi.
Le thème de la rencontre de vendredi est la politique de l’Union européenne en matière de migration à l’aune des droits fondamentaux. Quand l’UE a affaire aux migrants, respecte-t-elle ces droits ? Le problème de l’Union est qu’elle oscille entre deux logiques : celle d’accueillir les migrants pour des raisons humanitaires et celle de les renvoyer, car ce n’est pas un bon argument électoral. Cette oscillation se fait alors ressentir dans les normes. On dit qu’elles visent à aider les migrants, alors qu’en réalité, elles font diminuer leurs droits.
Un exemple ? En , vous avez une directive européenne disant que les étrangers ne peuvent pas rester plus de mois dans les centres de rétention. Le but était de fixer une durée maximale à des Etats qui n’en n’avaient pas. Mais des pays comme la France, l’Espagne et l’Italie en ont profité pour augmenter leurs délais de détention dans les centres de rétention… L’Italie est même passée de six à dixhuit mois, avant de descendre à trois.
Les « hotspots » et Dublin sont aussi très décriés…
Les « hotspots », c’est-à-dire ces centres gérés par des pays comme le Niger ou la Libye, à qui est confié le traitement des migrants voulant venir en Europe et où les procédures sont très rapides, donnent lieu à des interrogations… Quant à Dublin (lire ci-contre), c’est un échec ! Le postulat était la solidarité entre les pays, mais chaque État se dérobe.
Un panel plutôt large d’intervenants doit participer aux débats, notamment l’eurodéputée d’extrême gauche MarieChristine Vergiat, la députée LREM de la sixième circonscription du Var, Valérie Gomez-Bassac. Vous ne pensez pas que ça peut tourner au pugilat ? C’est sûr qu’il s’agit de questions brûlantes, mais on reste dans une faculté de droit ! Le fil conducteur doit rester scientifique. Le but est d’expliquer les choses…
Savoir +
«La politique migratoire de l’Union européenne à l’aune de la protection des droits fondamentaux ». Vendredi23 février,9h30-12h30,facultéde droit de Toulon, 35 avenue Alphonse-Daudet. Entrée libre et gratuite, mais présentation obligatoire d’une pièce d’identité.