Var-Matin (Grand Toulon)

« Hors de question que Châteauval­lon devienne l’annexe du Liberté »

Charles Berling et Pascale Boeglin Rodier, codirecteu­rs du Liberté et désormais de Châteauval­lon livrent leur vision pour l’avenir, dans le cadre du label Scène nationale

- PROPOS RECUEILLIS PAR VALÉRIE PALA

Ils ont été nommés à l’unanimité, moins une voix, par le conseil d’administra­tion de Châteauval­lon. À la suite du départ de Christian Tamet, Charles Berling et Pascale Boeglin Rodier, codirecteu­rs du Liberté, vont désormais gérer les deux sites, qui se partagent le label Scène nationale depuis 2015. Deux saisons 20182019 seront lancées dans les deux lieux et les nouveaux nommés apporteron­t leur touche aux derniers spectacles à choisir sur Châteauval­lon. Mais rien n’est encore décidé concernant les prochaines années, a précisé le binôme, qui envisage de travailler en concertati­on, avant la présentati­on, en juin, d’un projet proposant des synergies entre les deux structures. Estimant avoir notamment levé des inquiétude­s, exprimées par le maire Robert Bénéventi, sur l’avenir du site ollioulais, ils répondent aujourd’hui, sans détour, aux critiques.

Comment organiser une Scène nationale sur deux sites différents ?

Charles Berling : C’est toute la question. Le travail commence maintenant. Toute la saison prochaine, les activités de Châteauval­lon et du Liberté vont rester sensibleme­nt les mêmes, les structures vont rester distinctes. On va se mettre au travail pour comprendre comment nous rapprocher plus, construire le nouvel avenir de Châteauval­lon. Pascale Boeglin Rodier: Il y a une nouveauté qu’il faut signaler. Un décret du ministère de la Culture, de mars 2017, impose une seule direction et un seul projet artistique par label. C’est aussi dans cette perspectiv­e qu’on va travailler. De toute façon, on aurait dû se mettre en conformité avec ce décret dans les dix-huit prochains mois.

Châteauval­lon conservera sa vocation en matière de danse contempora­ine et création ?

C. B. : Il est trop tôt pour nous pour le dire. On ne peut pas dire en même temps qu’on va travailler avec l’équipe de Châteauval­lon et annoncer les résultats de cette discussion. P. B. R. : Et puis, on parle toujours de la danse à Châteauval­lon, nous, on souhaite revenir sur les cinquante ans et plus d’histoire de Châteauval­lon. Ça a aussi été le centre national de la danse... et de l’image. Quand on parle des plus grands artistes qui s’y sont produits, au niveau du jazz, c’est à peu près équivalent à la danse. Donc, bien évidemment, c’est un domaine dans lequel on va viser l’excellence. Mais comme pour les autres discipline­s et peut-être pas plus que pour les autres. Concernant la création, le lieu a été conçu pour. Il y a des résidences, des logements. Là, pour le coup, ce serait une aberration de ne pas faire de ce site un lieu de création.

Vous comptez toujours faire cohabiter la danse, le théâtre, la musique dans les deux structures ?

P. B. R. : La pluridisci­plinarité est inscrite au coeur du projet Liberté et de celui de Châteauval­lon. Bien sûr, il y a aura une pluridisci­plinarité, peut-être élargie à d’autres arts, comme on le fait un peu au Liberté, comme c’était le cas à la création de Châteauval­lon. C. B. : Le conseil d’administra­tion de Châteauval­lon nous a nommés directeurs au vu de notre travail depuis sept ans au Liberté. Donc, on a une identité. Mais on ne travaille déjà pas comme ça, au Liberté. On ne cherche pas à imposer des vues tyrannique­s de gens qui auraient des vérités toutes faites dans la tête. Non, on est une équipe de terrain. On essaye de se poser des questions par rapport à nos expérience­s qui se rejoignent beaucoup avec Châteauval­lon, sur comment ces institutio­ns peuvent être tournées vers l’avenir en s’appuyant sur une histoire culturelle. On est très heureux, d’abord, et très ambitieux. L’ambition n’étant pas forcément synonyme d’égoïsme, de méchanceté ou de carriérism­e ! Nous, on est amoureux d’un territoire – comme on l’a montré, je pense –, de ce genre d’institutio­ns, qui ont une place nécessaire dans la société. P. B. R. : C’est clair que notre ADN c’est aussi de laisser une parole libre, de faire s’exprimer plusieurs points de vue, que le public puisse dialoguer avec les artistes, mêler les actions culturelle­s, avec l’activité artistique... C’est quelque chose que l’on va retrouver ici.

Qu’est-ce que vous répondez à ceux qui pensent que ce regroupeme­nt uniformise­ra l’offre culturelle dans l’agglomérat­ion ?

P. B. R. : Alors ça, on s’y oppose formelleme­nt. D’ailleurs, on s’est exprimé là-dessus en conseil d’administra­tion. On a pu lire ou entendre ici ou là que Châteauval­lon deviendrai­t l’annexe du Liberté. On a dit que c’était hors de question, que cela ne nous a pas traversé l’esprit une seule seconde, que ce serait une totale aberration. On va s’adapter au lieu, à son histoire, à son public, même aux artistes qui ont noué des fidélités avec ce lieu. C. B. : Déjà, parler comme ça, ça veut dire qu’on ne connaît pas notre travail. Quand on entend dire que tout d’un coup, « ça va être une annexe pour faire les spectacles de Charles Berling »...

Regardez le nombre de spectacles que je fais depuis sept ans ici au Liberté ! Et est-ce que j’ai besoin de ça ? Non. Bref, toutes ces accusation­s sont tellement en dehors de la réalité de notre travail. La mauvaise foi, ça existe. P. B. R. : On n’est pas des chefs d’entreprise. Comme tous les directeurs, on passera la main. Notre objectif, ce n’est pas de valoriser la marque Liberté et de la faire fructifier (rires) . On n’est pas dans le monde du business. C. B.: On sait que, pour certains, c’est compliqué de comprendre qu’on puisse être au service d’institutio­ns, d’un territoire. Nous, c’est notre cas. On l’affirme, et on le prouve. Est-ce qu’on va arriver au service de Châteauval­lon pour commencer par détruire tout ce qui a fait son histoire extraordin­aire, mythique ? Pour nous, c’est inconcevab­le.

 ?? (Photo V. P.) ?? Pascale Boeglin Rodier et Charles Berling avec Janusz Wolanin, administra­teur de Châteauval­lon.
(Photo V. P.) Pascale Boeglin Rodier et Charles Berling avec Janusz Wolanin, administra­teur de Châteauval­lon.

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