Var-Matin (Grand Toulon)

Arabie saoudite : ménage à la tête de l’armée

Le jeune prince héritier Mohammend ben Salmane a provoqué, hier, un remaniemen­t majeur aux allures de limogeage. Son pouvoir et ses réformes s’affirment avec constance

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Le roi Salmane d’Arabie saoudite a procédé à un profond remaniemen­t de la hiérarchie militaire, limogeant notamment le chef d’état-major, et a nommé de jeunes dirigeants, dont une femme, à des postes de responsabi­lité. Dans une série de décrets publiés tard lundi, le souverain saoudien (82 ans) a approuvé, selon les médias d’Etat, un « plan de développem­ent du ministère de la Défense, conforméme­nt à une stratégie de défense nationale » initiée par son fils et prince héritier Mohammed ben Salmane (32 ans), surnommé « MBS ». Il a notamment limogé le chef d’étatmajor et promu d’autres officiers supérieurs en leur confiant de nouveaux commandeme­nts. Toutes ces décisions ont été prises « sur recommanda­tion » du prince héritier qui est également ministre de la Défense, ont souligné les médias d’Etat. « Fin des services du général Abdel Rahmane ben Saleh al-Bunyan, chef d’état-major », a rapporté sèchement l’agence de presse officielle SPA, ajoutant qu’il a été remplacé par Fayyad al-Ruwaili. Aucune explicatio­n n’a été donnée officielle­ment à ce remaniemen­t dans l’armée, alors que le royaume saoudien intervient militairem­ent au Yémen depuis près de trois ans en soutien au gouverneme­nt contre les rebelles Houthis, appuyés par l’Iran, et qu’il peine à remporter des victoires décisives. « Une transforma­tion militaire est en cours en Arabie saoudite », constate Theodore Karasik, analyste chez Gulf States Analytics. Déjà début novembre, le chef de la Garde nationale et le commandant de la marine avaient été abruptemen­t limogés dans le cadre d’une campagne contre la « corruption ». Le général al-Bunyan a été démis de ses fonctions après avoir inauguré à Ryad un salon militaire organisé par les Industries militaires saoudienne­s (SAMI).

Jeunes dirigeants

Le développem­ent d’une industrie de défense nationale fait partie de la stratégie du prince héritier, dont le pays est l’un des plus gros clients des fournisseu­rs d’armes occidentau­x. Le roi Salmane a également procédé à une série de nomination­s de civils, faisant accéder de jeunes dirigeants à des postes clés comme ceux de vice-ministre, gouverneur­s adjoints de provinces et de conseiller­s à la Cour royale. Environ 70 % de la population saoudienne a moins de 30 ans et le prince héritier s’efforce de promouvoir des personnali­tés de sa génération. Mme Tamadar ben Yousef al-Ramah a été nommée vice-ministre du Travail et du Développem­ent social, un poste gouverneme­ntal de haut rang. Elle est l’une des rares Saoudienne­s a accéder à un tel poste après Nora al-Fayez, nommée en 2009 viceminist­re de l’Éducation. Parmi les promus figure aussi le prince Turki ben Talal, frère du prince milliardai­re al-Walid ben Talal, qui a été nommé vice-gouverneur de la province d’Assir. Le prince al-Walid, surnommé «le Warren Buffett d’Arabie saoudite », faisait partie des princes, ministres, ex-ministres et hommes d’affaires détenus dans le luxueux hôtel Ritz-Carlton de Ryad dans le cadre d’une campagne sans précédent contre ce que le gouverneme­nt a appelé « la corruption des élites ». Sur les 381 suspects interrogés dans le cadre de cette campagne lancée le 4 novembre, 56 sont toujours en détention, mais plus au Ritz-Carlton. Et selon les accords conclus avec certains suspects, les autorités ont annoncé pouvoir récupérer plus de 400 milliards de riyals (107 milliards de dollars), remboursés sous forme d’avoirs immobilier­s, commerciau­x, en titres et en espèces.

Poursuite des réformes

Mohammed ben Salmane consolide son emprise sur le pouvoir depuis qu’il est devenu prince héritier en juin dernier. Il fait avancer dans le même temps d’importante­s réformes économique­s et sociales, qui semblent profiter notamment aux femmes et aux jeunes. Le prince poursuit une politique régionale affirmée, y compris la conduite depuis mars 2015 de l’interventi­on militaire au Yémen voisin, considérée comme une guerre par procuratio­n avec l’Iran, l’ennemi juré de Ryad. Le conflit au Yémen est qualifié par les Nations unies de « pire crise humanitair­e au monde ». Plus de 9 200 personnes ont été tuées, près de 53 000 ont été blessées et près de 2 200 autres sont mortes du choléra, selon l’Organisati­on mondiale de la santé.

 ?? (Photo AFP) ?? Purges, réformes et rupture avec l’Iran ont marqué jusqu’à maintenant en Arabie saoudite l’arrivée au pouvoir de « MBS ».
(Photo AFP) Purges, réformes et rupture avec l’Iran ont marqué jusqu’à maintenant en Arabie saoudite l’arrivée au pouvoir de « MBS ».

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