Peaufiner le mode d’emploi
C’était prévu pour le mars. Ce sera finalement quelques semaines plus tard. L’essentiel, selon Marlène Schiappa, la secrétaire d’État à l’Égalité femmes-hommes, c’est que la loi contre les violences sexistes et sexuelles soit bien votée avant l’été, qu’aucune peccadille juridique n’en retarde son application. Alors que les dossiers brûlants s’accumulent sur le bureau du gouvernement, il ne faudrait pas que le texte s’égare dans le trafic des navettes parlementaires. Car il y a urgence. On pensait avoir tout vu avec l’affaire Weinstein. Ce n’était qu’un déclencheur. Depuis, les signaux d’alerte se multiplient. La France n’échappe pas à un phénomène planétaire. Le bilan tenu par le ministère de l’Intérieur renferme, a lui seul, toutes les raisons d’agir. personnes ont été officiellement victimes de violences sexuelles. Les statistiques n’ont fait que s’emballer tout au long de l’année. Les agressions sexuelles autres que les viols ont bondi de %. Si toutes les victimes se signalaient, on serait sans doute plus proche des... plaintes par an. Des femmes jeunes, voire très jeunes, dans leur écrasante majorité. Une violence présente partout. À la maison, dans la rue mais aussi au bureau ou la pression sexuelle, celle qui va au-delà de la blague grivoise sans aller jusqu’à la tentative de viol, est une immense zone grise, très largement tabou. Pour faire évoluer les consciences, la société civile gardera un rôle capital. Ainsi, on peut saluer l’initiative de celles qui porteront demain lors de la cérémonie des César, un ruban blanc en signe de reconnaissance. Mais c’est bien aux politiques de prendre le relais. Et si le gouvernement a besoin de quelques jours supplémentaires pour bien cadrer son texte, qu’il les prenne ! Il paraît si compliqué, de prime abord, de coller une amende à quelqu’un qui se rendra coupable de harcèlement de rue – l’une des mesures emblématiques dévoilées hier – qu’il vaut mieux en peaufiner le mode d emploi. La secrétaire d’État n’est pas la seule à devoir prendre ses responsabilités dans ce dossier. Les parlementaires devront aussi être à la hauteur d’un débat qui dépasse largement le cadre national. Face à la douleur, avouée ou non, de tous ceux qui souffrent de ce fléau, la France s’honorerait d’être l’une des premières nations d’Europe à abaisser le niveau des violences sexuelles sur son sol. Ce serait en tout cas conforme à notre réputation, celle d’un pays qui sait placer les valeurs humaines au-dessus de tout, y compris de ses différences.
« La France s’honorerait d’être l’une des premières nations d’Europe à abaisser le niveau des violences sexuelles sur son sol. »