Var-Matin (Grand Toulon)

Ils se battent pour que Jawid et Maryam restent en France

Accueillis aujourd’hui à grâce au réseau Welcome, les deux frère et soeur afghans craignent d’être expulsés vers... la Bulgarie. Une pétition de soutien a été lancée.

- GUILLAUME AUBERTIN gaubertin@nicematin.fr

Six-Fours

Ils ne veulent pas retourner en Bulgarie. «Plus jamais» . En Afghanista­n non plus. « C’est bien trop dangereux » pour eux. Leur français est parfois encore un peu hésitant, mais après seulement six mois de cours, il y a de quoi rester bluffé : Jawid et Maryam n’ont aucun mal à se faire comprendre dans la langue de Molière. Elle a 30 ans, lui 26. Les deux frère et soeur sont originaire­s de SurkhRod, un district de la province de Nangarhar, situé à l’est de l’Afghanista­n, à la frontière avec le Pakistan. Ils racontent avoir été « persécutés par les Talibans », qui auraient notamment exigé que Maryam se marie avec l’un d’entre eux. Alors ils ont vendu leur boutique, quitté leur pays natal ainsi que leur famille pour rejoindre l’Europe, en passant donc par la Bulgarie.

« Vivre, tout simplement »

Au terme d’un périple long et éprouvant, ils sont finalement arrivés en France il y a seize mois. Le temps de s’acclimater au pays, à sa culture, et de découvrir un départemen­t (le Var) dans lequel ils souhaitera­ient aujourd’hui s’installer. « Vivre… tout simplement », résume Jawid. Mais, comme le prévoit la loi Dublin III qui encadre les demandeurs d’asile (lire par ailleurs), les deux frère et soeur sont menacés d’être expulsés vers le premier pays dans lequel ils ont été enregistré­s en arrivant en Europe. La Bulgarie en l’occurrence. Or, la Bulgarie, les deux Afghans en gardent de « très mauvais souvenirs ». Là-bas, racontent-ils, on les a « frappés et forcés » à déposer leurs empreintes pour se faire enregistre­r auprès des autorités. « On n’avait pas le choix», explique Jawid, d’une voix douce et timide. « D’abord, ils nous ont menottés, puis ils nous ont fait peur en lâchant des chiens sur nous… »

« Faire de la place »

Le jeune homme dégaine son smartphone pour appuyer ses arguments, vidéos à l’appui : « Voilà ce Après un long combat judiciaire, les deux jeunes Afghans n’ont «plus aucun recours administra­tif possible» pour déposer une demande d’asile en France.

que les policiers bulgares font aux Afghans comme nous. Tous racontent la même histoire. Ils ont été battus, torturés. Parfois, ils coupent même les mains ou les oreilles… » Après être passés par Pignans, Sanary, La Seyne, Ollioules et Hyères, les voilà confortabl­ement installés à Six-Fours dans leur nouvelle « famille » d’accueil. Marga Wolf-Gentile a pour habitude de louer le bas de sa villa aux touristes pendant l’été. La retraitée varoise, 82 ans, ancienne enseignant­e, a donc choisi de leur ouvrir ses portes cet hiver. « C’est tellement normal de faire un peu de place. On est quand même tous dans le même bateau, non ? » Elle, est originaire d’Allemagne… de l’Ouest. «J’ai eu la chance de naître du bon côté», sourit-elle. Mais «les bombardeme­nts pendant la guerre», elle a connus. Et s’en souvient comme si c’était hier : «À l’époque, quand ils avaient bombardé la maison d’à côté, on faisait de la place chez nous sans se poser de

questions». Jawid et Maryam apprécient la «gentilless­e», de leur hôte. Qu’ils considèren­t « comme une grand-mère». «Chez nous, on respecte toutes les vieilles personnes », commente Jawid, sous le regard amusé de Marga. Quatre fois par semaine, les deux « colocatair­es » Pachtouns de Marga prennent des cours intensifs de français. Jawid connaît même « tous les quartiers de Toulon », pour avoir participé à un documentai­re - « Toulon, c’est aussi çaaa » - réalisé par deux étudiantes varoises, en partenaria­t avec le Comité Accueil Alphabétis­ation Animation (lire notre édition du 16 février).

Efforts d’intégratio­n

« Cela fait plus d’un an et demi que Jawid et Maryam font tous les efforts nécessaire­s pour s’intégrer. Aujourd’hui, ils sont complèteme­nt perdus, traumatisé­s par ce qui leur arrive… », résume pour sa part Bernard Massa, membre actif du

réseau Welcome qui aide les deux jeunes dans leurs démarches administra­tives. « Le couperet est tombé juste avant Noël. Depuis, constate Marga, amère, ils ne vont pas bien du tout. Ils ne dorment plus, se posent des questions. Psychologi­quement, c’est très difficile pour eux de s’imaginer retourner en Bulgarie ». Depuis cette semaine, une pétition* a été lancée sur internet pour empêcher leur expulsion. « On a étudié toutes les voies possibles, conclut Bernard Massa. Et la seule chose qui pourrait les sauver, ce serait un recours gracieux du préfet ou du ministre de l’Intérieur… » * La pétition est en ligne sur le site change.org

 ?? (Photos G. A) ?? Jawid raconte, vidéos à l’appui, comment sont maltraités les Afghans en Bulgarie. Après Pignans, Sanary, La Seyne et Hyères, les deux Afghans sont aujourd’hui domiciliés à Six-Fours. Marga s’inquiète de l’avenir de ses deux colocatair­es Pachtouns...
(Photos G. A) Jawid raconte, vidéos à l’appui, comment sont maltraités les Afghans en Bulgarie. Après Pignans, Sanary, La Seyne et Hyères, les deux Afghans sont aujourd’hui domiciliés à Six-Fours. Marga s’inquiète de l’avenir de ses deux colocatair­es Pachtouns...

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