Var-Matin (Grand Toulon)

Et si on la jouait simple?

- Textes : Laurent SEGUIN lseguin@nicematin.fr Photos : Adeline LEBEL

Sur le papier, on redoutait franchemen­t la caricature. Un sport qui a longtemps traîné une image élitiste, voire parfois prétentieu­se, une ville pas vraiment réputée pour son passé ouvrier et la rencontre d’une championne en herbe, licenciée auprès d’un club dont le nom s’achève par le très british « country club ». Alors fallait-il se rendre au rendezvous avec un petit gilet orné du fameux crocodile, posé sur les épaules ? Ou plutôt opter pour une veste beige et des mocassins ? Voire carrément songer à la cravate ? Le doute marchait à plein, mais comme la penderie se montrait à l’inverse désespérém­ent vide, on a fait simple. Et on a bien fait. Car il a suffi d’un « bonjour », d’un regard et surtout d’un sourire pour comprendre que la petite Kyara allait très vite balayer d’un de ses fantastiqu­es revers tous nos préjugés. Oui, on peut être une petite championne de tennis, pleine d’avenir, parcourir la France, l’Europe et même le monde tout en restant simple, joyeuse, et afficher une fraîcheur aussi amusante que plaisante. Bref, à des années lumières de ce tennis embourgeoi­sé des loges de Roland-Garros ou de Wimbledon, auxquelles on songeait sans doute à tort. Il faut dire que cette passion vers laquelle la petite Raphaëlois­e s’est spontanéme­nt tournée dès l’âge de six ans, Kyara la pratique dans un club au nom peutêtre un brin pompeux, mais à l’ambiance franchemen­t chaleureus­e. Un club qui lui ressemble, où son entraîneur affiche lui aussi une simplicité à toute épreuve et particuliè­rement à celle des performanc­es de sa petite protégée. Exact opposé de ces tyrans d’usines à champions, prêts à sacrifier une enfance sur l’autel de leurs propres ambitions, Floréal Le Cornet a d’ailleurs lui aussi très vite repoussé en fond de court tous nos préjugés sur la fabrique de ces espoirs de la petite balle jaune, façonnés dans certaines académies où l’humain, l’épanouisse­ment et finalement le plaisir de jouer pèsent bien moins lourd que les dollars «investis» et surtout que les sommes attendues en retour. « On parle souvent de ceux qui réussissen­t dans ces académies, mais on ne parle jamais de ceux qu’elles ont cassés, prévient d’emblée Floréal. Moi, je préfère préserver un peu Kyara. seulement le matin pour y étudier les matières essentiell­es, elle ne tape donc la balle qu’une « petite » quinzaine d’heures par semaine. «Je préfère travailler sur le qualitatif plutôt que sur le quantitati­f, explique Floréal. Il vaut mieux faire une heure qualitativ­e que quatre-vingt-dix minutes à 50 %. Et puis elle est en plein pic de croissance, il faut faire attention. » Et pourtant Kyara ne rechigne pas à la tâche. «Sa grande qualité est d’être travailleu­se. Quand tu la vois jouer, elle est comme toutes les meilleures de son âge. Mais elle en veut plus que les autres. Je pense que je peux lui demander ce que je veux », assure son entraîneur à propos de celle qui est aujourd’hui la meilleure joueuse de la région dans sa classe d’âge avec un classement de 5/6 à seulement douze ans. Un classement dont Floréal Le Cornet se moque pourtant comme de sa première double faute. «Ça ne veut pas dire grand-chose. Ce qu’il faut, c’est juste être dans le bon wagon. À la limite, les résultats en tournois, aujourd’hui on s’en fout . »

Elle n’aime pas les filles qui se prennent au sérieux», conclut Floréal. Oui, ces deux-là ne se prennent pas au sérieux et c’est peut-être là le meilleur moyen de réussir. La suite nous le dira, mais une chose est sûre, ils ont déjà réussi à vaincre tous nos préjugés. Du coup, cette fameuse veste (sans crocodile) qui a retrouvé sa penderie, nous l’avons définitive­ment retournée.

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