Var-Matin (Grand Toulon)

Mains tendues

Voilà trois mois que l’ancien hôtel Formule 1 a été reconverti en centre d’hébergemen­t pour demandeurs d’asile. Comment sont-ils accueillis ? À quoi ressemble leur quotidien ? Et qu’attendent-ils aujourd’hui ? Reportage

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Une quinzaine de familles de migrants est accueillie dans l’ancien hôtel Formule . L’un d’eux évoque un quotidien rythmé par l’attente et l’incertitud­e. Des bénévoles les accueillen­t avec bienveilla­nce.

Les vacanciers à la recherche d’une nuit pas chère se font probableme­nt avoir. Contrairem­ent à ce que l’on peut encore lire sur Internet, le désormais ex-hôtel Formule 1 situé entre La Londe-les-Maures et Bormes-les-Mimosas ne prend plus de réservatio­ns. Depuis le mois de novembre dernier, l’ancienne propriété du groupe Accor appartient à la SNI (Société nationale immobilièr­e), une filiale de la Caisse des Dépôts, et accueille donc aujourd’hui une quinzaine de familles de migrants. En cette fin de matinée, l’animation est plutôt timide aux alentours de l’établissem­ent. Deux enfants à trottinett­e ont pris d’assaut le parking, quasi désert, qui longe la RD98. Quelques paires de draps sèchent sur le rebord des fenêtres au pied desquelles un homme originaire d’Europe de l’Est s’est lancé dans le nettoyage de sa voiture. Devant l’entrée de l’établissem­ent, deux fillettes se disputent – en français dans le texte – la maternité d’une poupée sous le regard impassible de trois adultes accrochés à leurs écouteurs de smartphone. Une matinée comme une autre au Pradha (Programme d’accueil et d’hébergemen­t des demandeurs d’asile) de La Londe… «Vous savez, on n’a pas grand-chose à faire à part attendre », soupire un quadra

originaire d’Albanie. Lui explique dans un anglais impeccable « fuir la corruption et les problèmes de drogues », qui gangrènent son

pays. « Si vous pouviez voir l’appartemen­t dans lequel je vis là-bas, vous vous diriez que je suis fou… On n’a pas vraiment de problème d’argent. Mais on veut juste élever nos enfants à l’abri de la violence et de l’insécurité », explique-t-il posément.

« Donner de soi »

Pour les migrants originaire­s d’Afrique, l’histoire n’est pas la même. On parle plus de « survie ». « Certains récits font vraiment penser à

l’enfer sur terre», raconte Sylvie Mandrille, responsabl­e adjointe du centre des Restos du coeur de La Londe, où les migrants sont accueillis toutes les deux semaines, dans le cadre de l’aide alimentair­e (lire par ailleurs).

Dans le quartier voisin qui jouxte l’ancien Formule1, la présence de cette nouvelle « clientèle » ne semble pas poser de problème. « En fait, on oublie qu’ils sont là, témoigne un jeune qui habite à deux pas. Il y a dégun qui nous embête ».

Charles, un autre riverain originaire de Calais et fraîchemen­t installé à La Londe estime pour sa part que « ces gens-là doivent être traités comme les autres et non pas traités comme des bêtes parquées dans une cage ». Et d’insister

sur l’importance de « donner un peu de soi pour éviter qu’on se retrouve à nouveau face à une situation qui dégénère comme dans la jungle calaisienn­e ». Un autre voisin se demande « ce que fait exactement Adamo (sic)

dans cette histoire? » Ce qui est certain, c’est que le chanteur de Tombe la

neige n’a rien à voir là-dedans. En revanche, c’est bien à Adoma – filiale du groupe SNI – qu’a été confiée pour un contrat d’une durée de 5 ans la gestion opérationn­elle du site. Mais depuis l’installati­on des familles, la direction du Pradha et la préfecture se refusent à toute communicat­ion. Une histoire de «mauvaise temporalit­é»,

nous signifie-t-on poliment… « Aujourd’hui, analyse de son côté François de Canson, on peut dire que tout se passe bien ». Toujours sur la brèche, le maire de La Londe estime que « tous les engagement­s qui avaient été mis en place entre la Ville, la Préfecture et Adoma ont été tenus ». Et ça, c’est

une «belle satisfacti­on» pour l’édile varois, dans la mesure, explique-t-il, où

« l’on souhaitait accueillir des familles et non des hommes seuls ».

Intégratio­n difficile

Au total, une soixantain­e de personnes (dont une moitié d’enfants) vit actuelleme­nt dans l’ancien hôtel.

Les demandeurs d’asile viennent principale­ment d’Afrique subsaharie­nne (Côte d’Ivoire, Guinée, Mali…) ou d’Europe de l’Est (Albanie, Tchétchéni­e, Daghestan…). Tous sont dans « l’attente ». Mais personne n’ose réellement témoigner. «Le problème, glisse Sylvie Mandrille, c’est que la plupart d’entre eux sont sous procédure « Dublin ». Alors ils sont méfiants. Ils ont peur de ce qui va leur arriver. Et ce n’est donc pas facile pour eux de s’intégrer ». Les « Dublinés » sont en effet censés être raccompagn­és vers le premier pays dans lequel ils ont été contrôlés en arrivant en Europe, pour y demander l’asile… Mais tous semblent entretenir l’infime

« espoir » d’obtenir un jour le droit de s’installer en France. Alors, pour passer le temps entre deux rendez-vous à la préfecture, il y a «les

cours de français » ou «les matchs de foot ».

La mairie assure pour sa part rester très attentive à ce qui se passe au Pradha, notamment par le biais du comité de suivi ad hoc géré par la première adjointe et l’adjointe déléguée à l’action sociale. « Les migrants ont aussi des droits et des devoirs », répète à l’envi François de Canson, rappelant, au passage, que « La Londe a toujours été une terre d’accueil en recevant les Harkis et les Laotiens… »

Retrouvez notre dossier « Migrants : et maintenant, on fait quoi ? » sur varmatin.com #solutions

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L’ancien hôtel Formule  accueille une quinzaine de familles de migrants.
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Aux Restos du coeur, « on accueille tout le monde avec la même dignité ».
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« Welcome » à La Londe-les-Maures.

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