Var-Matin (Grand Toulon)

« Il y a des dates que l’on retient plus que d’autres »

- Textes et photos : GUILLAUME AUBERTIN gaubertin@nicematin.fr

En attendant d’autres familles La vocation des Programme d’accueil et d’hébergemen­t des demandeurs d’asile (Pradha) n’est pas de faire de l’accueil longue durée. D’ailleurs, « les familles ne doivent pas rester plus de six mois, éclaire François de Canson. Après, il va y avoir du turnover. » Actuelleme­nt, la partie de l’ancien hôtel réservée aux migrants affiche complet. Mais l’autre partie de l’établissem­ent devrait bientôt accueillir «des familles londaises en difficulté ». « Pour cela, indique le maire, une convention entre la Ville, le Départemen­t et la Communauté de communes (Méditerran­ée Porte des Maures) devrait être signée dans les prochains jours ». Une manière pour le premier magistrat de la Ville de respecter ce qu’il qualifie de « juste équilibre ».

Soutiens spontanés

Le groupe « Solidarité migrants La Londe » envisage par exemple de mettre en place des astreintes de transports, ou d’organiser diverses activités pour les enfants dans le but de favoriser le langage. Ces gens dévoués entendent « faire en sorte que les Londais aient un autre regard sur ce qu’il se passe ». Leurs armes ? Un peu de pédagogie, une bonne dose d’écoute et beaucoup de bienveilla­nce. « Quand les gens verront qu’au bout de deux ans, tout se passe bien, ils changeront peut-être d’avis ». Certains membres du groupe s’avouent même « surpris » aujourd’hui Ousmane(1) a quitté sa Côte d’Ivoire natale il y a plus d’un an. Là-bas, il était commerçant. Il tenait une boutique où « l’on vendait un peu de tout, des vêtements et des chaussures, des sacs et des montres ». « Mais un jour, raconte-t-il dans un très bon français, ils sont venus m’arracher de force ma femme et ma fille de 2 ans ». Lui est musulman, sa femme chrétienne. « C’est pour cela qu’ils ont voulu nous séparer. » Aujourd’hui, il n’a plus de nouvelles de sa famille. Après avoir quitté la Côte d’Ivoire, Ousmane a dû travailler six mois en Libye pour subvenir à ses besoins et celui de son fils de 10 ans. Il se souvient « de choses de « recevoir entre trois et quatre appels par semaine de gens qui veulent apporter leur soutien ».

Le coeur et les bras grands ouverts

Aux Restos du coeur de La Londe, tradition oblige, on accueille tout le monde de la même manière : le coeur et les bras grands ouverts. On ne fait donc pas de distinctio­n entre les migrants économique­s horribles que l’on ne devrait jamais voir… », mais préfère tourner la page. Oublier « toutes ces violences » .Et « aller de l’avant »

Avenir incertain

Le jeune homme, la trentaine, a débarqué en France le 5 septembre dernier, en compagnie de son fils. «Ily a des dates que l’on retient plus que d’autres », lâche-t-il, un peu gêné. Puis il est arrivé à La Londe fin décembre. « Ici au Pradha, on vit dans une petite chambrette, c’est simple mais ça nous va » , dit-il, bien conscient que l’accueil qui lui est réservé au pays des droits de l’Homme est bien plus « chaleureux » qu’ailleurs… Comme les autres enfants ou les réfugiés de guerre… « S’ils sont là aujourd’hui, constate Sylvie Mandrille, chargée de l’aide à la personne, c’est qu’ils avaient une bonne raison de quitter leur pays. Qu’on ait affaire à des familles qui fuient la guerre ou des femmes qui quittent leur mari violent, ou qui ont été mariées de force, on les traite avec la même dignité ». Deux fois par mois, les demandeurs d’asile se mêlent donc aux en âge d’être scolarisés, le fils d’Ousmane va tous les jours à l’école. « Il a réussi à bien s’intégrer, s’est fait des amis, parle bien français et a un très bon bulletin » , détaille son papa, avec autant de fierté que d’admiration. Mais son principal souci aujourd’hui, c’est son « avenir très incertain ». Ousmane a été enregistré en Italie à son arrivée en Europe et ne peut donc prétendre obtenir l’asile en France, comme le prévoit le règlement Dublin III. C’est pourtant ici qu’il souhaite s’installer et travailler. «Ça serait horrible, surtout pour mon fils, qu’on soit obligé de quitter la France ».

1. Son prénom a été modifié. bénéficiai­res habituels. « C’est sûr que cela nous fait plus de travail et qu’il faut s’organiser autrement, glisse Brigitte Jolivet, la responsabl­e du site. Mais après, ils sont servis comme les autres. C’est dans l’esprit des Restos ». Et tant pis si, comme le confie l’un des 25 bénévoles que compte l’antenne londaise, « on sent que certains bénéficiai­res semblent avoir du mal à accepter leur présence ici. »

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Les familles de demandeurs d’asile hébergées au Pradha de La Londe sont accueillie­s toutes les deux semaines aux Restos du coeur, dans le cadre de l’aide alimentair­e.
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Ousmane aimerait obtenir l’asile en France pour pouvoir s’installer et travailler.

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