Var-Matin (Grand Toulon)

Les agents censés travailler plus

Les agents sont payés pour effectuer 1607 heures de travail par an mais les élus, leurs «patrons», leur en demandent nettement moins. La Chambre régionale des comptes se lasse

- P.-H.C. phcoste@nicematin.fr

Nous allons devoir mettre un terme à cette pratique, mais nous allons procéder prudemment.» Fin janvier, en conseil municipal, c’est avec une timidité qui lui est inhabituel­le que Christiane Hummel, maire de La Valette, évoque la quatrième des huit recommanda­tions que la Chambre régionale des comptes vient de lui adresser, celle qui évoque la « générosité » de la mairie concernant le temps de travail de ses agents. Comme ils en ont l’habitude lorsqu’ils passent au scanner une collectivi­té, les magistrats ont analysé le détail du planning du personnel communal... et leurs calculs sont sans appel. A La Valette, «les agents municipaux ne travaillen­t que 1 579 heures par an, soit 28 heures de moins que la durée réglementa­ire de travail de 1 607 heures pour un agent à temps complet, non compris les jours supplément­aires attribués en fonction de l’ancienneté dans la commune. » Au-delà des chiffres, la Chambre y voit un problème de droit. « L’attributio­n de ces jours de congés n’est pas conforme à la réglementa­tion et conduit les agents à ne pas accomplir le temps de travail réglementa­ire pour lequel ils sont rémunérés. »

Pas une exception

Une formulatio­n sèche qui trahit peut-être un peu de lassitude chez les magistrats. Constater que le temps de travail réel dans la fonction publique territoria­le ne correspond pas aux obligation­s légales ne les surprend plus. La Valette n’est pas une exception. A quelques détails près, les magistrats pourraient se contenter de faire des « copier-coller » d’un rapport à l’autre. Lorsqu’ils ont par exemple examiné le Conseil départemen­tal en 2016, ils ont pointé un total de 1 544 heures de travail avec des irrégulari­tés en pagaille (jours d’ancienneté, jours du président...). La Chambre avait calculé que « le coût structurel annuel pour la collectivi­té de cet ensemble d’avantages irrégulier­s s’élève à 8,6 millions d’euros. »

Carqueiran­ne en vedette

Dans les plannings de la mairie de Toulon, ils avaient repéré « deux types de congés qui n’ont aucun fondement juridique» qui persistaie­nt en dépit d’observatio­ns remontant à un précédent contrôle. D’après les calculs, les « congés de fin de carrière » représenta­ient en 2012 l’équivalent du temps de travail d’une vingtaine d’agents et les « congés d’ancienneté » correspond­aient au temps de travail annuel de 45 agents. Au passage, la Chambre pointait du doigt, les « congés familiaux, », ou les « deux jours accordés aux Corses en vue de couvrir la durée de la traversée. » Au sein de la métropole TPM, les fonctionna­ires carqueiran­nais restent les plus enviés avec « 1530 heures de travail par an ». Un régime qui leur a valu il y a quelques semaines d’apparaître en dixième position nationale du « florilège des collectivi­tés les plus généreuses en congés » établis par la revue Capital après avoir épluché les rapports des Chambres régionales des comptes 2016 et 2017. Du côté des collectivi­tés, même si elles n’évoquent pas facilement ce sujet éminemment sensible, les élus connaissen­t par coeur le problème. La « Gazette des communes » les abreuve de dizaines de pages instructiv­es sur le sujet. Dans une mairie voisine, on explique être bien conscient que la légalité des quelques « jours cadeaux » risque de faire tiquer les juristes mais qu’amener sur la place publique le sujet peut s’avérer source de tension. Ressources humaines et représenta­nts syndicaux savent que les agents sont attachés à ces jours de congés gratuits aux contours volontiers flous. Voir leur légalité contestée ne fait le jeu de personne. La Chambre régionale des comptes l’a bien compris et qualifie d’ailleurs elle-même le sujet de « sensible » sachant qu’une certaine qualité de « paix sociale » est liée à ces largesses. Difficile donc de recueillir la parole d’un élu sur le sujet. Volontiers bavards d’habitude, ils se font quasi muets. Notons d’ailleurs que les élus d’opposition, habituelle­ment prompts à dénoncer les gabegies ne se bousculent pas non plus...

Pas plus de déclaratio­n du côté des syndicats. Ils se font aussi prudents... pour ne pas dire fuyants.

Silence radio

Force Ouvrière reprend d’ailleurs d’emblée dans ses propos le terme de « sensible » et, après avoir refusé l’interview justifie – par écrit – que le syndicat ne (peut) « pas répondre directemen­t » aux questions «car (son) interpréta­tion des textes risque d’être bien différente­s que d’autres instances ». FO se contente donc de transmettr­e un enchevêtre­ment d’articles de loi établissan­t le principe de « libre administra­tion » de chaque collectivi­té. Les tentatives de contact avec des responsabl­es CGT n’ont pas été plus constructi­ves.

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