Var-Matin (Grand Toulon)

Justice : Macron dévoile une révolution des peines

Le Président a annoncé, hier, une profonde réforme du système des peines, qui proscrira les peines courtes mais assurera l’applicatio­n de celles de plus d’un an

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Le chef de l’État a proposé une troisième voie entre « laxisme » et « répression » ,en dénonçant des prisons qui « déshumanis­ent » et sont des « écoles du crime ». Emmanuel Macron a annoncé, hier à Agen, une profonde réforme du système des peines lors d’un discours devant les élèves de l’École nationale d’administra­tion pénitentia­ire. « Entre les laxistes qui voudraient que personne ne soit puni et les vrais durs qui seraient pour emprisonne­r les gens quelles que soient les mauvaises conditions, je ne crois à aucune de ces options car cette vision manichéenn­e dispense d’une vraie réflexion sur le contenu moral et politique que nous devons donner au sens de la peine », a expliqué le président de la République.

La fin de « l’automatici­té » de l’incarcérat­ion?

La réforme proscrira les peines de prison courtes mais assurera l’applicatio­n effective de celles de plus d’un an, tout en multiplian­t les alternativ­es en milieu ouvert. Emmanuel Macron a évoqué la fin de « l’automatici­té » de l’incarcérat­ion pour les peines de prison inférieure­s à un an. Les peines de prison de moins d’un mois seront interdites et les peines de 1 à 6 mois pourront être effectuées en milieu ouvert. Le juge devra dûment motiver sa décision s’il décide malgré tout un emprisonne­ment. Plusieurs délits (routiers, usage de drogue) seront forfaitisé­s : des amendes ou autres sanctions remplacero­nt la prison. Seront aussi créées de nouvelles peines autonomes comme le bracelet électroniq­ue à domicile.

Comment mobiliser les entreprise­s et l’État ?

Emmanuel Macron compte aussi développer à grande échelle les travaux d’intérêt général, pour lesquels il veut mobiliser les entreprise­s, les collectivi­tés et l’État. Cela permettra, selon lui, de « sortir de prisons plusieurs milliers de personnes, dont toutes les petites peines » avec « beaucoup moins d’emprisonne­ment à moins de 6 mois ». En revanche, il veut qu’une peine de prison de plus de un an soit effectivem­ent et aussitôt exécutée. L’objectif du chef de l’État est à la fois de résoudre la surpopulat­ion carcérale mais aussi de redonner du sens aux peines prononcées, souvent modifiées en un second temps par les juges d’applicatio­n des peines. Il a aussi annoncé le renforceme­nt des services de probation et d’insertion, qui seront dotés de 1 500 postes supplément­aires.

Pourquoi améliorer les conditions des détenus ?

Comment redonner davantage de dignité aux détenus ? Selon le Président, en renforçant par exemple l’activité et les contrats de travail en prison ou encore la possibilit­é de voter. Avec un taux d’occupation de 200 % en région parisienne et de 120 % au niveau national, la France figure parmi les pires élèves d’Europe. Au 1er janvier 2018, 68 974 détenus s’entassaien­t dans 59 765 places. Les alternativ­es à la prison existent déjà mais restent peu utilisées : en 2016, sur les quelque 550 000 délits sanctionné­s, les tribunaux ont prononcé 52 % de peines de prisons (dont 19 % ferme) et 11 % de peines alternativ­es dont moins de 3 % travaux d’intérêt général.

Une promesse revue à la baisse ?

Le chef de l’État souhaite également réduire les délais, qui peuvent atteindre des mois voire des années, entre le prononcé d’une peine et son applicatio­n. En revanche, il est revenu sur sa promesse d’accroître de 15 000 les places de prison. « Le Président ne souhaite pas de “fétichisme” sur le nombre de 15 000 places », précise-t-on dans son entourage qui indique que « compte tenu des contrainte­s qui pèsent sur la constructi­on d’établissem­ents pénitentia­ires, il apparaît possible de construire 7 000 places sur le quinquenna­t ». « Une Nation est jugée à travers ses prisons. Beaucoup ne voudraient plus les voir, estiment que c’est la part maudite de la Nation, mais c’est aussi la Nation », a lancé Emmanuel Macron, alors que la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme pour sa surpopulat­ion carcérale.

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