Var-Matin (Grand Toulon)

Né aux îles de Lérins, Jean-Baptiste de Latil couronne le dernier roi de France

- ANDRÉ PEYREGNE

Le 29 mai 1825 eut lieu à Reims le couronneme­nt du dernier roi de France, Charles X. Dernier roi de France car son successeur, Louis-Philippe, ultime souverain français, ne s’appellera plus «roi de France » mais « roi des Français » et ne sera plus sacré à Reims, n’étant plus considéré comme « roi de droit divin ». L’ultime sacre royal – celui de Charles X – fut célébré par un homme de notre région, Jean-Baptiste de Latil, archevêque de Reims, né en 1761 à Sainte-Marguerite dans les Îles de Lérins au large de Cannes.

Il étudie à Toulon

Il est le fils d’Antoine de Latil, commandant militaire de ces îles, lesquelles abritaient une garnison depuis qu’elles avaient failli être colonisées par les Anglais en 1746. Jean-Baptiste est élevé dans un environnem­ent militaire. Mais, de santé fragile, peu apte à manier l’épée et à monter à cheval, on s’aperçoit rapidement qu’il n’est pas fait pour la carrière des armes. Ainsi que le raconte son biographe J. Marche, il est envoyé chez ses oncles à Toulon, où sa mère, Gabrielle de Magny, possède une maison. Il poursuit ses études dans un collège religieux à Toulon puis au collège SaintSulpi­ce à Paris. Il entre ensuite dans les ordres, guidé par l’évêque de Grasse en raison de son lieu de naissance, et est ordonné prêtre en 1784. En 1787, l’évêque de Vence l’engage comme vicaire général. La Révolution arrivant, il travaille à Grasse à la rédaction des « Cahiers de doléances» de l’Église, en parcourant à cheval les monts et les vallées de l’évêché pour collecter les avis des paroissien­s. Il refuse toutefois de prêter serment à la «Constituti­on civile du clergé » qui, adoptée par l’Assemblée constituan­te, institue une « Nouvelle Église» contrôlée par la République. Sans argent, il décide alors de fuir à l’étranger mais se fait arrêter dans la région parisienne. Il est enfermé à la prison de Montfortl’Amaury. Il s’en évade grâce à la complicité d’un notable local. Le voilà en Angleterre où il a rejoint le futur roi Charles X en exil. Il s’emploie à détourner de sa vie libertine le futur souverain et à le ramener à la religion. En 1816, Jean-Baptiste de Latil est nommé évêque « in partibus » - c’est-à-dire sans juridictio­n territoria­le - par le pape Pie VII. En 1824 il devient archevêque de Reims. C’est à ce titre qu’il couronnera le roi de France. Le grand jour est arrivé. Le cortège royal est parti de Compiègne deux jours plus tôt. Le carrosse, rutilant de dorures est tiré par huit chevaux. Au milieu d’une foule en liesse, il dépose le souverain devant un dais dressé à l’entrée de la cathédrale de Reims. L’archevêque de Latil a revêtu ses habits pontificau­x, recouverts de dentelles, comportant une chape cousue de broderies d’or, une mitre grêlée de perles et de diamants et ornée d’une topaze du Brésil. Sa bague porte une énorme émeraude.

Mort à Gémenos enterré à Reims

Il accueille le souverain: « Sire, après avoir, comme un serviteur fidèle, pris part pendant de si longues années aux événements de la vie de Votre Majesté, je dois aujourd’hui bénir la divine Providence qui m’a destiné à remplir auprès de votre auguste personne la plus belle des fonctions de mon saint ministère, et je rends grâce à Dieu de vous avoir inspiré, Sire, la grande et religieuse pensée de venir sanctifier la dignité royale par un acte solennel de religion, au pied du même autel où Clovis reçut l’onction sainte ! » La cérémonie se déroule, magnifiée par les fanfares et les chants. Le grand compositeu­r Cherubini a écrit la musique de la messe. Le souverain s’agenouille devant l’archevêque. Celui-ci a extrait avec une aiguille d’or une goutte de liquide de la « sainte ampoule» avec laquelle saint Rémy a baptisé Clovis quelque mille trois cents ans plus tôt. Il enduit le front du roi. Puis il dépose précaution­neusement sur sa tête la couronne de Charlemagn­e. « Vivat Rex in aeternum!» Vive le roi pour l’éternité ! Les cloches de France se mettent à sonner. L’éternité, on le sait, ne durera que cinq ans. En 1830, le roi abdiquera et partira en exil. L’archevêque Latil, lui, devenu entre-temps cardinal, retrouvera sa région natale dans les dernières années de sa vie et mourra à Gémenos, dans les Bouchesdu-Rhône, en 1839. C’est en la cathédrale de Reims que repose cet enfant de Lérins qui, en 1835, a fait de Charles X un roi.

 ?? (Photos DR) (Photos DR) ?? Jean-Baptiste de Latil, élevé dans un milieu militaire, a préféré la carrière de la religion. L’arrivée du cortège royal à Reims le  mai  (à gauche) et le couronneme­nt du roi par l’archevêque Latil (à droite).
(Photos DR) (Photos DR) Jean-Baptiste de Latil, élevé dans un milieu militaire, a préféré la carrière de la religion. L’arrivée du cortège royal à Reims le  mai  (à gauche) et le couronneme­nt du roi par l’archevêque Latil (à droite).

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