Var-Matin (Grand Toulon)

Marc Simoncini: «Oui, réussir, c’est bien» Idées

Le fondateur de Meetic témoigne. Il vient de publier Une vie choisie. Pour éclairer les jeunes qui veulent se lancer. Leur montrer ce qu’il y a avant le drapeau au sommet de l’Himalaya

- PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTELLE LEFEBVRE clefebvre@nicematin.fr

Marc Simoncini a eu son bac « avec l’indulgence coupable du jury» . Il a commencé dans le BTP, est passé par l’usine et il s’est juré de « tout faire pour qu’aucune trotteuse saccadée ne lui donne l’autorisati­on de vivre ». Le fondateur d’i(france), Meetic et Sensee raconte tout de son parcours dans une biographie intitulée Une vie choisie, qui vient de sortir chez Grasset. De la salle de billard où il installe ses premiers bureaux au building new-yorkais où il rachète son principal concurrent, de son premier site de rencontres aux roadshows en série pour lever des fonds, de la ruine aux victoires inespérées, le serial entreprene­ur dévoile ses coulisses. Avec le ton direct qu’on lui connaît.

Pourquoi cette biographie et pourquoi maintenant ? Pour témoigner. Parce qu’après le phénomène de société autour du célibat et de Meetic, il s’en produit un autre : les jeunes disent vouloir monter des startups là où les génération­s précédente­s se rêvaient fonctionna­ires. Je me suis dit qu’il fallait que je leur raconte la vraie histoire, avec ses coulisses. Leur dire tout ce qui s’est passé. Leur expliquer ce qu’il faut comme qualité, ambition, déraison pour devenir entreprene­ur. Ce livre, c’est le témoignage de la victoire de quelqu’un qui, au départ, n’avait aucune prédisposi­tion à le devenir.

Quel regard portez-vous sur votre parcours ? Beaucoup d’inconscien­ce, de chance et de travail. Personne ne sait s’il a la résilience qu’il va lui falloir au cours de l’histoire. C’est d’ailleurs la seule qualité dont on a besoin pour devenir entreprene­ur : se relever à chaque fois que quelqu’un vous met à terre. Chez tout entreprene­ur, il y a un moteur qui produit la force.

Une façon de dire « La réussite certes, mais regardez le travail qu’il y a derrière » ? Ça fait vingt ans que j’entends “Vous avez réussi, c’est super. Avec Internet, c’est facile. C’est génial, vous êtes devenu riche.” Sauf que c’est juste la dernière histoire. Comme si on disait au mec qui vient de planter son drapeau sur l’Himalaya, “C’est super, vous êtes parti ce matin, vous avez marché dans la neige et vous avez atteint le sommet.” Ce que les gens n’ont pas vu, c’est que pour y arriver, il lui a fallu vingt ans pour atteindre le pied de la montagne et dix autres pour la gravir. Il faut regarder tout le chemin. Vous ne voulez plus entendre parler de réussite facile... Le quinquenna­t de Hollande nous a suffisamme­nt stigmatisé­s. On était vu comme des riches, des gens à l’ISF qu’il fallait surtaxer. Il ne fallait surtout pas réussir mieux que les autres. Ça a été dur pour les entreprene­urs. Sous Macron, ça va mieux ? Je suis le premier à croire en Macron. Mais s’il a été élu, c’est parce qu’il y a une vague de jeunes en France qui veulent entreprend­re et qui l’ont porté au pouvoir. Il y a un mouvement de fond. Après des années où réussir était mal, s’enrichir était horrible, le retour de balancier a été violent pour ceux qui prônaient ces idées.

Tout est en place pour l’entreprene­uriat en France ? Oui. Parce que si on veut redistribu­er les richesses, il faut bien que les jeunes se mettent à les produire. Qu’on les laisse se développer et qu’on ne tape pas sur ceux qui y arrivent.

Quel message aux jeunes ? S’il y a bien une période dans la vie où l’on n’a rien à perdre, c’est quand on n’a rien. Donc quand on a une idée, il faut y aller. Après, les regrets sont pénibles à porter.

Le match France-États-Unis ? Il est aussi facile de créer sa structure en France qu’aux ÉtatsUnis. Ce qui est plus difficile en France, c’est de créer une entreprise de taille mondiale parce que, quoi qu’on en dise, l’Europe n’est pas homogène. Vous n’avez ni les mêmes règles, ni les mêmes consommate­urs. Aux États-Unis, vous avez un pays, une langue, une monnaie.

C’est quoi un entreprene­ur aujourd’hui ? Un casse-cou ? C’est quelqu’un qui a la conviction qu’il peut trouver une solution à un problème. Comme en France, il y en a beaucoup, je comprends qu’il y ait tant de personnes qui veulent entreprend­re. Un entreprene­ur, c’est quelqu’un qui face à la difficulté va voir l’opportunit­é. Quelqu’un qui a une dose d’inconscien­ce providenti­elle et d’ego.

Pourquoi providenti­elle? Parce que tout le monde veut vous tuer. Vos clients veulent vous acheter moins cher, vos fournisseu­rs veulent que vous achetiez plus cher, vos concurrent­s vous mettent des bâtons dans les roues, les administra­tions font

qu’il revend 182 M€ à Vivendi douze ans après. Connaît la ruine après l’explosion de la bulle Internet.

le premier site de rencontres payant au royaume du gratuit.

avec Xavier Niel (Free) et Jacques-Antoine Granjon (Vente-privee.com).

un site de vente de lunettes en ligne.

tout pour vous emmerder, le fisc veut vous prendre tout ce que vous avez gagné, vos salariés veulent partir ou être augmentés... Il faut de la résilience tout le temps.

Pourquoi continuer ? Parce qu’on a ça dans le sang. Parce que c’est notre moteur.

Vous parlez des nuits à boucler les négociatio­ns, du drapeau au sommet, de la dépression aussi... La dépression va avec le reste. Les entreprene­urs négligent leur vie privée. Un jour ils vendent, ils sortent de la seringue et tout s’écroule. C’est comme l’alpiniste qui a gravi une montagne et qui ne peut guère monter plus haut. Maintenant, qu’est-ce que je fais de ma vie ? Ça m’est arrivé deux fois. Et je ne suis pas un cas isolé. Il y a un contrecoup intéressan­t à analyser car c’est enrichissa­nt en connaissan­ce de soi.

Et après? On part sur d’autres projets. Des projets passions pour moi. Moins parce qu’ils sont rentables que pour leur sens. Moins vers le profit, plus vers le social. Comme l’appli thegoodlif­e qui redistribu­e les invendus alimentair­es. Actuelleme­nt, je travaille sur l’extrême solitude. C’est un chemin de vie que j’avais envie de raconter. Pour éclairer face à ce contexte particulie­r. Après, je ne prendrai plus la parole.

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(Photo Arno Lam) Marc Simoncini : « La seule qualité dont on a besoin quand on veut être entreprene­ur, c’est de se relever à chaque fois que quelqu’un vous met à terre. » Naît à Marseille en  Fonde i(france) en  Crée Meetic en  Cofonde l’école des métiers...

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