Var-Matin (Grand Toulon)

«Un enfant en classe, ce n’est pas juste un rêveur»

Virginie Mattio, directrice de l’associatio­n toulonnais­e qui se consacre aux troubles cognitifs, Coridys, explique le déficit de l’attention avec ou sans hyperactiv­ité (TDAH) chez l’enfant

- PROPOS RECUEILLIS PARK.M. kmichel@nicematin.fr

Deux enfants par classe – quel que soit le niveau de scolarité – souffre d’un trouble déficit de l’attention, avec ou sans hyperactiv­ité (TDAH). À des degrés divers, comme le sont ses formes d’expression sur le comporteme­nt de l’enfant, le TDAH est un trouble invisible parfois, complexe, que l’entourage familial, les profession­nels de l’éducation, etc. ne savent pas toujours identifier… Avec les difficulté­s que l’on devine pour l’enfant dans sa scolarité, comme pour sa famille, dont certaines sont très isolées. Le journalist­e Benjamin Laurent y consacre un web-documentai­re: Plongez en nos troubles (1). Ce film sur la scolarité des enfants présentant un TDAH a servi le propos de la conférence organisée samedi à Toulon par l’associatio­n Coridys(2). Conférence, organisée dans les locaux de l’hôpital Sainte-Musse, à laquelle ont pris part des parents d’enfants présentant un TDAH, des enseignant­s, des membres du corps médical, qui a permis d’aborder différents sujets, de l’enfant à l’adulte. Car « sur 100 enfants atteints d’un TDAH, vingt vont garder des symptômes adultes », a d’ailleurs résumé le neurologue Dr Elias. La directrice de la structure, Virgnie Mattio, neuropsych­ologue, a répondu à quelques questions.

Le documentai­re de Benjamin Laurent raconte le vécu des enfants à partir de l’école primaire. Comment reconnaîtr­e les signes avant-coureurs ? Déjà, il faut savoir que le diagnostic ne peut être posé que par un neurologue. Il est difficile de le poser avant six ans et l’entrée en primaire car un enfant ça bouge, son cerveau n’est pas encore suffisamme­nt développé pour qu’il se concentre longtemps. Donc un enfant est, par essence, inattentif. Peut-on parler pour autant d’hyperactiv­ité chez un enfant aussi jeune ? Ce n’est pas sûr.

Même lors des premiers apprentiss­ages en maternelle? En général, quand «l’hyperactiv­ité» accompagne un trouble du déficit de l’attention, c’est plus facile à identifier. Dans la classe, les enfants qui remuent beaucoup, on les connaît dès la moyenne section où déjà, on leur demande de se « poser », de se concentrer.

Mais les enfants présentant un TDAH ne sont pas tous hyperactif­s ? C’est cela. Le TDAH touche également les enfants que l’on qualifie de « rêveurs » en classe : ils ont juste ce trouble de l’attention, ils décrochent d’un coup, n’écoutent plus. Dans une classe de  élèves, ils peuvent passer la moitié du cours sans écouter, ne notent pas les devoirs à faire… mais sans déranger. Or, un enfant en classe, ce n’est pas juste un rêveur. On peut avoir des jeunes dépistés au collège parce qu’avant, on a mis cela sur le compte de la rêverie.

Comment fait-on pour affirmer justement, que l’enfant n’est pas « juste » un rêveur ? Il aura fallu, bien sûr, écarter toutes les pistes, les causes dans le parcours de l’enfant, et poser un diagnostic. Il faut donc établir un bilan neuropsych­ologique pour pouvoir établir un diagnostic, qui est ensuite posé par un neurologue.

Comment votre associatio­n intervient-elle sur un tel sujet? Modestemen­t, nous essayons de participer à combler le retard de la France sur le sujet. Nous avons plusieurs axes de travail. On propose des bilans déjà, mais aussi de l’accompagne­ment. On propose une guidance parentale pour mieux comprendre le trouble de l’enfant, mettre en place des petits outils au quotidien. Un autre axe c’est la sensibilis­ation des enseignant­s. Sensibilis­er, former. Une conférence comme nous l’avons faite samedi matin nous permet déjà de sensibilis­er. Nous intervenon­s dans les écoles également. On essaie aussi d’être très présents sur les réseaux sociaux, sur Internet.

Au cours des échanges, il a été très brièvement évoqué le conseil de « neuroscien­tifiques » mis en place par le ministre de l’Éducation nationale. C’est une avancée que vous saluez ? C’est un pas énorme de l’Éducation nationale dans l’approche des troubles cognitifs à l’école.

Les enseignant­s étaient pourtant récalcitra­nts à cette entrée des neuroscien­ces dans l’éducation ? La crainte, légitime, était de trop médicalise­r, de trop s’appuyer sur les aspects neurologiq­ues sans prendre en compte les aspects sociaux – on l’a dit, les inégalités jouent beaucoup dans la prise en charge des troubles cognitifs. Ce conseil scientifiq­ue est formé de beaucoup de psychologu­es cognitivis­tes. Grâce à la psychologi­e cognitive, on vient regarder l’enfant dans sa globalité.

C’est-à-dire ? On vient regarder comment un enfant apprend. Effectivem­ent il y a des bases neurobiolo­giques, les neuroscien­ces. Autrement dit comment le cerveau fonctionne dans l’apprentiss­age. Mais un enfant apprend aussi parce qu’il dort bien, se nourrit bien. Parce qu’il est bien entouré. C’est cela, la psychologi­e cognitive. Les avancées de la psychologi­e cognitive sont assez récentes, cela explique aussi le retard de la France sur la question. Mais on comprend de mieux en mieux le cerveau, aussi maintenant, cela permet de raisonner en termes de motivation de l’enfant, de son intérêt, sa valorisati­on, son intégratio­n également. Et puis, cela nous permet de comprendre combien on a tous une manière d’apprendre différente de celle des autres. De nos jours, on devrait inclure tout cela dans la scolarité. L’école ne nous apprend pas comment on fonctionne, ni comment on fonctionne différemme­nt les uns des autres. Et c’est dommage. Pour finir, l’associatio­n est à la recherche de locaux ? C’est exact. Nos locaux sont devenus trop petits. Nous aimerions rester sur ToulonOues­t – l’associatio­n est actuelleme­nt installée dans des locaux de l’Arche à La Seyne – on recherche sur ce secteur, proche de Toulon, Ollioules, La Seyne :  m seraient nécessaire­s.  euros par mois, ce serait génial,  euros ce serait le maximun. Les propriétai­res peuvent aussi mettre à notre dispositio­n des locaux, ce qui donne lieu ensuite à une réduction d’impôts. Si l’un d’eux nous lit…

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(Photos Frank Muller) Pour Virgnie Mattio, la directrice de l’associatio­n Coridys: «On a tous une manière d’apprendre différente de celle des autres ».
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Les intervenan­ts de la matinée consacrée au TDAH (de gauche à droite) : MarieAnne Kolb-Rival représenta­nte emploi-handicap ; Annie Jullien, parent, déléguée régionale hypersuper­sTDAH ; Benjamin Laurent, réalisateu­r du webdocumen­taire Plongez en nos...

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