Edouard Philippe présente son plan contre la “Cyberhaine”
Edouard Philippe a dévoilé, hier au Musée de l’histoire de l’immigration à Paris, un nouveau plan contre le racisme et l’antisémitisme, avec l’ambition de mener une lutte « plus efficace » sur la Toile en contraignant les plateformes à « prendre leurs responsabilités ». Ce deuxième plan, qui couvre la période 2018-2020, fait suite à un premier dispositif lancé dans un contexte de flambée des actes antisémites et antimusulmans après les attentats de 2015. Certes, le nombre de faits haineux a reculé en 2017 pour la deuxième année consécutive. Mais cette baisse globale masque mal l’augmentation du nombre d’actions violentes. Et les statistiques ne rendent pas compte du « déferlement de haine qui s’exprime de manière quotidienne sur internet », selon le Premier ministre.
« Modifier la loi française »
S’il entend « se battre » pour imposer une nouvelle législation européenne afin de « renforcer le régime de responsabilité des opérateurs » du net, le gouvernement va aussi modifier « sans attendre » la loi française. Une mission y travaillera, avec en tête l’exemple de l’Allemagne, qui menace d’amendes pouvant aller jusqu’à 50 millions d’euros les grands réseaux sociaux s’ils ne retirent pas sous 24 heures les propos haineux. « On ne me fera jamais croire que les réseaux sociaux seraient des espaces hors-sol. Pour moi, tout ce qui est publié et diffusé en France, est publié et diffusé en France. Et doit donc répondre aux lois de la République », a souligné Edouard Philippe. L’exécutif veut également « permettre l’enquête sous pseudonyme » : en s’invitant dans des espaces de discussion en ligne, les cyberenquêteurs pourront plus facilement identifier les auteurs de propos haineux. Cette mesure sera incluse dans le projet de loi sur la justice qui doit être présenté en Conseil des ministres le 18 avril. La lutte contre la cyberhaine ayant besoin de moyens supplémentaires, le gouvernement prévoit de renforcer les effectifs de la plateforme de signalement de contenus illicites PHAROS.
« Epauler les enseignants »
Pour mieux prendre en compte les victimes, l’Etat va expérimenter dès septembre la création d’un réseau d’enquêteurs et de magistrats spécifiquement formés à la lutte contre la haine. Dans son volet éducatif, le plan prévoit la création d’une « équipe nationale d’intervention rapide » chargée « d’épauler les enseignants » confrontés à des situations conflictuelles. Plus généralement, le gouvernement promet de renforcer la formation de « l’ensemble des personnels » de l’éducation.
Les réactions
Tout en saluant « le fait que le gouvernement ait mis l’accent » sur la haine sur internet, le président du Consis toire israélite, Joël Mergui, a regretté que ce sujet soit dissocié de la lutte contre la radicalisation islamiste. « Même si la lutte contre le racisme et l’antisémitisme nécessite d’autres moyens, elle fait partie intégrante de ce combat », a-t-il estimé. Quant à Samuel Thomas, de la Maison des potes, il a pris acte d’un plan qui « va dans le bon sens ». « Maintenant, la traque de la parole raciste ou antisémite, ça demande beaucoup plus de moyens que ce qu’il y a aujourd’hui », a-t-il relevé. Ce plan bénéficiera de « moyens sanctuarisés », selon Edouard Philippe, même si une mission d’inspection de l’Etat n’a pu identifier que 40 millions d’euros sur les 100 annoncés en 2015 dans le cadre du premier dispositif.