À la gare de Toulon, les voyageurs rouspètent sec
Dans le hall, l’air d’Imagine flotte entre les voyageurs. Une jeune femme s’est installée au piano de la gare de Toulon et a décidé d’égayer un peu l’atmosphère. Pourtant, hier, sur les coups de 18 h 15, le moment ressemblait plus à une veille de bataille rangée qu’à une séance de câlinade hippie donnée par un John Lennon en pattes d’éph’… Car, hier soir, c’était le dernier moment de calme avant la grève monstre enclenchée ce matin par les cheminots.
Doudoune orange
« Les cheminots, je ne les soutiens pas, ils ont des avantages que personne n’a dans le privé ! Ils les ont acquis après la Seconde guerre mondiale et ne sont plus valables ! », tempête Tanguy Desandre, chef d’entreprise parisien, en attendant le 18 h 48 pour Paris-gare de Lyon. « D’ailleurs, s’ils étaient valables, le dialogue social aurait pu s’installer… » Sous les écrans d’affichage, c’est la même grogne qui règne. « Je gère une sandwicherie à la Défense, eh bien je peux vous dire que je vais être bien impacté par cette grève!», s’exclame Christian Groult dans sa doudoune orange. « Entre les employés qui vont faire du télétravail et ceux qui, en retard, ne viendront plus prendre de petit-déjeuner, ça va me faire de la clientèle en moins. » Du côté de la direction de la gare, on assure que tous les soirs, aux alentours de 17 h, seront affichés dans le hall les horaires des trains du lendemain. « Attention, c’est valable pour les TER. Pour les TGV, il faut regarder sur Internet», glisse un employé. Affairé au-dessus de ces fameux affichages, voilà Farid. Ce Toulonnais travaille au conseil régional, et depuis 18 ans, il fait quotidiennement les trajets entre Toulon et la cité phocéenne. Sur les grilles d’horaires, le voyageur découvre alors qu’entre les deux villes, aucun train ne roule aujourd’hui entre 9h32 et
16 h 02… Farid Mazem fait ses calculs et ses pronostics: «Normalement, je prends le 6 h 45 ou le 7 h 11, mais là, ils ont supprimé les trains entre 6 h 25 et 7 h 25. Je vais donc prendre le 6 h 25. Et pour rentrer, celui de 16 h 02. À 17 h 30, ça va être la cohue, tout le monde sort du bureau !
Dans la main de Dieu
Certains, loin d’anticiper, s’en remettent à la grâce. Comme Étienne Portalis, séminariste breton, étudiant la théologie àRome.« Je dois repartir vendredi à Paris. Théoriquement, c’est un jour sans grève. Mais je vous avoue que si mon train est tout de même supprimé, je n’ai aucune idée de la façon dont je vais repartir… », glisse l’homme d’Église. Côté business, les commerçants de la gare voient arriver le mouvement social d’un oeil plutôt tranquille. « On fait deux fois moins de chiffres par jour de grève, confie David Baitar, employé au Relay. Mais pas de panique, Relay est une grosse boîte et elle en a connu des grèves! »