Var-Matin (Grand Toulon)

Ablation de la prostate : des séquelles réduites

Environ 20000 prostatect­omies sont réalisées chaque année. Une majorité de ces exérèses sont robo-assistées ou réalisées par voie coelioscop­ique convention­nelle. Avantages

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Opérer ou pas les patients atteints d’un cancer de la prostate? En utilisant quelle procédure ? Longtemps, ces questions ne se posaient même pas, faute de connaissan­ce suffisante de la maladie et surtout d’alternativ­es ; lorsqu’une tumeur au niveau de la prostate était diagnostiq­uée, les chirurgien­s « ouvraient» les chairs (chirurgie «à ciel ouvert ») et retiraient toute la prostate, en dépit des séquelles que ce geste pouvait générer. Les temps ont changé. « Dans 95 % des cas, le cancer est aujourd’hui découvert à un stade encore localisé ou localement avancé, mais sans métastases. Une simple surveillan­ce active et rapprochée est préconisée lorsque la maladie est à faible risque de progressio­n, soit chez environ 30 % des patients. Pour les autres, et selon le stade de la tumeur, différente­s solutions peuvent être proposées : radiothéra­pie, curiethéra­pie ou chirurgie. Notre rôle est d’expliquer aux patients ces différente­s possibilit­és et les effets secondaire­s possibles associés à chaque approche », relatent les Drs Klifa et Rouscoff, chirurgien­s urologues à la clinique Saint George à Nice (1).

L’ablation de la prostate pour  % des patients

Si le dossier de chaque malade est examiné par un ensemble de profession­nels réunis dans le cadre d’une RCP (réunion de concertati­on pluridisci­plinaire), qui vont s’accorder sur la prise en charge optimale, la décision finale appartient toujours au patient. « Dans environ 40 % des cas, c’est l’ablation chirurgica­le de la prostate (prostatect­omie) qui est proposée. » Une solution radicale mais qui bénéficie du développem­ent d’approches mini invasives : la coelioscop­ie [technique chirurgica­le à ventre fermé au cours de laquelle l’opérateur passe un système optique ainsi que des instrument­s chirurgica­ux à l’intérieur de l’abdomen, ndlr], et plus récemment de la robotique. « Il y a dix ans encore, sur 100 prostatect­omies, à peine 10 étaient réalisées par coelioscop­ie ou robotique », relatent les spécialist­es. Depuis, la tendance s’est totalement inversée : il y a 5 ans, la chirurgie « à ciel ouvert » ne représenta­it déjà plus que 50 % des interventi­ons, et moins de 20 % aujourd’hui. En dépit de leur coût très élevé (2), plusieurs établissem­ents, à l’instar de la clinique Saint George, ont choisi d’investir dans des robots chirurgien­s. «Le robot permet de réaliser une prostatect­omie radicale avec une extrême précision, grâce à la vision stéréo et la mobilité des outils dans les quatre dimensions, note, enthousias­te le Dr Klifa. On a l’impression d’avoir les mains plongées dans le corps du patient. » Mais, au-delà du confort pour le praticien lui-même, quels sont les avantages pour les malades ? « Avec la laparoscop­ie, comme avec la robotique, on obtient des cicatrices plus petites, voire invisibles, une durée d’hospitalis­ation réduite, une récupérati­on plus rapide, moins de pertes sanguines durant l’opération et un risque diminué de séquelles liées à l’opération », énumèrent les spécialist­es. Séquelles. Le mot est lâché. Celui qui effraie tous les hommes qui apprennent qu’ils vont devoir être opérés de la prostate. « Tous posent la question du maintien de l’érection. Le risque d’incontinen­ce les inquiète aussi, mais dans une moindre mesure », confirme le Dr Rouscoff. Des peurs compréhens­ibles, compte tenu de la localisati­on de la prostate, intercalée entre la vessie et l’urètre, très près du sphincter qui assure la continence et en contact très étroit avec les bandelette­s nerveuses qui assurent l’érection. «L’interventi­on, quelle

Préserver les nerfs de l’érection

que soit la modalité, peut induire une incontinen­ce urinaire. Mais celle-ci est dans l’immense majorité des cas, transitoir­e, rassurent les spécialist­es. Après une chirurgie robotique ou par laparoscop­ie, le retour à la continence est effectif 1 à 1,5 mois maximum après l’opération, la précision de l’interventi­on permettant de préserver le col de la vessie. Après une chirurgie à ciel ouvert, ce délai est rallongé à 3 mois. » Plus rarement (1,5 à 3 % des cas), l’incontinen­ce peut persister audelà de 9 mois, quelle que soit l’approche utilisée, chirurgie à ciel, robotique ou par voie coelioscop­ique. Concernant l’impuissanc­e, la coelioscop­ie, comme la laparoscop­ie, ont permis, là encore, de réduire ce risque, sans toutefois l’abolir. « Il y a 15 ans encore, on était obligé de présenter la perte d’érection comme une fatalité. La laparoscop­ie ou la chirurgie robotique, en nous permettant de mieux visualiser les nerfs de l’érection, nous aide à les préserver. » Bilan : environ un quart des hommes opérés en utilisant l’une ou l’autre de ces approches y sont confrontés, contre 50 % après une chirurgie à ciel ouvert. Confrontés, mais pas condamnés. Plusieurs solutions peuvent être proposées à ces hommes pour les aider à retrouver une vie sexuelle.

1. Une journée Portes Ouvertes était récemment organisée par l’établissem­ent niçois pour faire découvrir au public les potentiali­tés du Robot Da Vinci. C’est dans cette même clinique que la première prostatect­omie par voie robotique en clinique privée était réalisée par le Dr Lagha. 2. Le robot Da Vinci coûte environ deux millions d’euros auxquels il faut ajouter environ 150 000 euros de maintenanc­e par an.

 ?? (Photo d’archive Richard Ray) ?? Devenue un standard aux États-Unis, la chirurgie robotique se diffuse en France depuis quelques années. Dans une salle dédiée au robot, les Drs Klifa, Lagha, Marsaud (aux manettes du robot au cours d’une prostatect­omie) , Obadia et Rouscoff, urologues...
(Photo d’archive Richard Ray) Devenue un standard aux États-Unis, la chirurgie robotique se diffuse en France depuis quelques années. Dans une salle dédiée au robot, les Drs Klifa, Lagha, Marsaud (aux manettes du robot au cours d’une prostatect­omie) , Obadia et Rouscoff, urologues...

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