Var-Matin (Grand Toulon)

“L’interventi­on à Notre-Damedes-Landes a un effet mobilisate­ur”

Le géographe Jérôme Pelenc estime que l’interventi­on sur la ZAD illustre la crainte des politiques face à l’émergence de nouveaux modes de production et de consommati­on

- PROPOS RECUEILLIS PAR SAMUEL RIBOT

Comment expliquer que l’abandon du projet de NDDL n’ait pas apaisé les tensions ?

Ce qui se passe aujourd’hui illustre à mon sens deux choses : la première, c’est que l’abandon du projet relevait plus pour ce gouverneme­nt d’une opportunit­é politique que d’une réelle vision écologiste. La deuxième, c’est qu’au moment de l’après-projet, les tensions se sont nouées autour d’une vision du développem­ent territoria­l. Le fait que la ZAD devienne une zone d’expériment­ation agroécolog­ique, avec l’accent mis sur des initiative­s collective­s, et non individuel­les, a aussi pu effrayer le gouverneme­nt car il s’agit clairement de nouveaux schémas économique­s, à l’opposé de l’agrandisse­ment des exploitati­ons, du productivi­sme, et de la concurrenc­e induits par le système capitalist­e.

« En réagissant de façon violente, la classe politique a démontré qu’elle était consciente de la force émancipatr­ice de ces combats », écrivez-vous. Il s’agirait donc de museler l’émergence d’un mouvement politique lié à la défense de l’environnem­ent ? L’enjeu politique est clairement d’empêcher l’existence d’une zone d’expériment­ation. Ce qui se jouait dans la ZAD est à l’opposé de ce que véhicule le système néolibéral. C’est d’ailleurs étonnant : on assiste là à l’expériment­ation d’une vraie transition écologique et solidaire, celle-là même que le gouverneme­nt voudrait nous vendre mais qu’il fait détruire par les forces de l’ordre.

NDDL est l’incarnatio­n de ce que vous appelez les « Grands projets inutiles et imposés » ou GPII. Pouvez-vous définir ce qu’est un GPII ? Les GPII incarnent un paradoxe : d’un côté, on nous sensibilis­e aux problémati­ques écologique­s, au réchauffem­ent climatique, et de l’autre on continue comme avant en multiplian­t les projets… Qu’il s’agisse de transports, comme une ligne à grande vitesse, d’élevages géants, de stockage de déchets, comme à Bure, ou de mines, ces projets ont ceci de commun que, alors qu’on nous les présente comme étant d’intérêt général et de nature à améliorer notre qualité de vie, ils ne font que renforcer la destructio­n des territoire­s vivants.

L’action des opposants aux GPII et celle du gouverneme­nt illustrera­ient selon vous «deux conception­s différente­s de l’intérêt général »... En effet, on a l’impression que les politiques néo-libérales ne vont pas dans le sens de l’intérêt général mais servent plutôt à favoriser quelques-uns. Alors que les luttes localisées permettent justement de formuler des propositio­ns d’intérêt général. C’est l’illustrati­on de la maxime « Penser global, agir local. » A cet égard, l’expérience de la ZAD était porteuse et démontrait qu’on pouvait faire autrement. C’est sans doute ce qui effraie. Quel impact cette interventi­on policière peut-elle avoir sur le mouvement contre les GPII ? On constate une convergenc­e des acteurs, une solidarité qui émerge. Les Zadistes ont reçu le soutien de personnali­tés comme Naomi Klein ou celui de la délégation Europe Ecologie au Parlement européen. J’ai la sensation que l’interventi­on a un effet mobilisate­ur.

Comment faire pour que ces mouvements ne soient plus parasités par des activistes radicaux, qui semblent ne pas avoir d’autre but que d’affronter les forces de l’ordre ? Je ne porterai pas de jugement làdessus. Le fait de montrer du doigt ces soi-disant radicaux, c’est peutêtre aussi une forme d’instrument­alisation destinée à fragiliser le mouvement en le divisant.

Membre du collectif « Des plumes dans le goudron », Jérôme Pellenc, chercheur à l’Université libre de Bruxelles, signe un ouvrage sur « les grands projets inutiles et imposés » intitulé « Résister aux grands projets inutiles et imposés », paru aux éditions Textuels, 155 pages, 15,90 €

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