La revanche de Hollande
François Hollande a de quoi en vouloir à Emmanuel Macron. Non content de l’avoir acculé à renoncer en , son successeur l’a encore privé de lumière, la semaine dernière, en éclipsant la sortie de son livre par son omniprésence médiatique. Les Leçons du pouvoir, pour ne pas rencontrer un grand écho, ont pourtant une résonance particulière dans le tumulte social actuel. S’il y concède nombre d’erreurs sur la forme, Hollande y défend vigoureusement son honneur de Président. Il estime, pour faire court, avoir su convertir la France à la modernité – grâce à la loi Macron, notamment – tout en renforçant les acquis sociaux, par la restauration de la retraite à ans pour les carrières longues, en particulier. Une synthèse social-démocrate respectable, dont il croit dur comme fer que l’histoire finira par lui rendre justice, après que les bénéfices économiques à retardement en profitent, aujourd’hui, au nouvel hôte de l’Elysée. Piètre consolation pour Hollande, les désordres du moment, si exagérés soient-ils, lui donnent l’opportunité de faire la leçon à son « Brutus ». C’est sa petite revanche, distillée d’une formule cinglante : « Mes gouvernements réduisaient les inégalités, celui-là les creuse. » L’ex-Président décortique a posteriori des situations qu’il n’est pas parvenu à maîtriser dans l’instant. Il se révèle un chroniqueur lucide de la rudesse de ces temps bousculés par l’imperium médiatique, pointant ses propres égarements autant que ceux des autres. Il dresse ainsi d’Emmanuel Macron un portrait d’une pertinence aiguisée. « Hyperactif, dormant peu, recevant beaucoup, il s’intéresse à tout sans oeillères, formulant des vues originales, détonnant par sa liberté d’esprit. Il croit volontiers que tout dossier peut être réglé dès lors qu’on s’y attaque avec fougue, que tout risque de conflit peut être surmonté par un dialogue direct entre personnes de bonne foi, que toute difficulté peut être dépassée par une forme d’impétuosité. Il est sûr que le réel se pliera de bonne grâce à sa volonté dès lors qu’elle s’exprime.» Tout est dit. Tout oppose les deux hommes. L’un tout en majesté et en certitudes. L’autre sans arrêt en quête de synthèse, par conviction comme par indécision. L’un si tranchant. L’autre tout en rondeurs, qui a rédigé son livre comme on discute avec des copains, dans une normalité non feinte qui l’a très vite essoré. La martingale électorale s’est transformée en boulet. La présidence hollandaise s’est brisée sur ce hiatus, pour des raisons qui ne lui incombent pas entièrement. L’épisode de l’île de Sein, le août , en fut l’acmé. Ce jour-là, on l’a moqué à l’infini pour avoir prononcé son discours sous des trombes d’eau, lunettes embuées et visage ruisselant. Lui n’en démord pas : il aurait été indécent qu’il s’abrite, alors que les anciens combattants enduraient la rincée, stoïques et sans protection. L’argument tient la route. Voilà bien le mystère de l’alchimie du pouvoir. Très tôt dans son quinquennat, Hollande a essuyé le déluge, quand Macron a installé une superbe qui commence à peine à agacer. C’est superficiel, parfois injuste, mais le crédit se gagne souvent sur ces petits riens, ces images furtives mais criantes qui n’ont pas toujours partie liée à la raison.
« Il [Macron] est sûr que le réel se pliera de bonne grâce à sa volonté… »