«Dropped»: la société de production condamnée
C’est la première décision de la justice française dans l’accident mortel d’hélicoptères survenu lors d’un tournage en Argentine en 2015: la société de production de l’émission de téléréalité «Dropped» a été condamnée au civil pour «faute inexcusable » et devra indemniser la famille d’une victime. Le Tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) des Hauts-de-Seine a en effet condamné la semaine dernière, at-on appris hier, la société SAS Adventure Line Productions (ALP) à verser à la veuve, à la mère et aux deux jeunes enfants du caméraman Laurent Sbasnik un total de 120000 euros de dommages et intérêts. ALP devra en outre rembourser à la Caisse primaire d’assurance-maladie des Hauts-de-Seine près de 400000 euros de majorations de rente.
« Manoeuvre interdite »
Laurent Sbasnik, mort à l’âge de 40 ans, était chargé de filmer «portes ouvertes, harnaché et dans une configuration de vol dangereuse» les deux hélicoptères évoluant «en formation rapprochée», précise le tribunal dans sa décision. Cela comportait donc «des risques particuliers pour sa santé et sa sécurité» sans qu’il ait «obtenu l’information et/ou la formation appropriée», souligne le TASS, rappelant qu’« un accident d’hélicoptère avait déjà eu lieu quelques jours auparavant au cours de la même production, sans faire de victime». Se fondant notamment sur les conclusions du rapport d’enquête administrative rendu en décembre 2015 par le Jiaac argentin (équivalent du BEA français, le Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile), le tribunal a donc estimé «que l’accident du travail dont a été victime» le caméraman était «dû à une faute inexcusable de la SAS Adventure Line Productions». Me Solenn Le Tutour, qui défend les intérêts de la famille de Laurent Sbasnik, a salué «une première décision de condamnation qui était très attendue par les familles de victimes». Cette décision «rappelle vigoureusement » qu’ALP, en tant qu’employeur, «devait tout mettre en oeuvre pour assurer la sécurité de ses salariés», a-t-elle souligné. L’avocate a ajouté que le tribunal avait retenu, comme elle l’avait pointé à l’audience le 27 novembre 2017, le fait «que le vol rapproché avec des passagers à bord est une manoeuvre interdite par la réglementation argentine» .De son côté, ALP «s’étonne» de la décision rendue et «n’exclut pas» de faire appel, précisent les avocats de la société.
« Éléments parcellaires »
La condamnation par le TASS «se fonde sur un système de présomption de responsabilité attachée à l’obligation dite “de sécurité de résultat” due par tout employeur à ses salariés, ce qui est très différent de la reconnaissance d’une faute intentionnelle», soulignent-ils, regrettant que le tribunal n’ait eu accès qu’à «des éléments parcellaires» pour se prononcer. Elle avait demandé que le TASS remette à plus tard sa décision en raison de l’instruction, toujours en cours à Paris, pour «homicide involontaire par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence», mais le tribunal de Nanterre n’y a pas fait droit. Saisi au civil, dans le cadre de ce même accident, pour la mort de la journaliste Lucie Mei-Dalby, le TASS de Paris a, à l’inverse, reporté sa décision dans l’attente de l’issue de la procédure pénale.