Var-Matin (Grand Toulon)

Bettina Rheims : « La photo doit me questionne­r »

La photograph­e préside le jury du concours photo du Festival internatio­nal de mode. Elle expose à la villa Noailles ses clichés des plus grandes stars hollywodie­nnes

- PROPOS RECUEILLIS PAR MICHAEL MARTINEZ mmartinez@nicematin.fr

Bettina Rheims avait été séduite l’an dernier par sa découverte du Festival internatio­nal de mode, de photo et d’accessoire­s de mode ainsi que par l’architectu­re et l’âme d’une villa Noailles hantée « par des fantômes de génie ». Reconnue pour ses reportages et son travail notamment sur le corps féminin et ses questionne­ments sur l’identité, ou encore portraitis­te officielle du Président Jacques Chirac, la photograph­e préside cette année le concours de photograph­ies. Bettina Rheims expose dans la salle de squash, ses clichés de stars (Madonna, Angelina Jolie, Elizabeth Berkley, Mickey Rourke and dog, Rose McGowan,...) réalisés pour le magazine Details à Los Angeles au mitan des années quatre-vingt-dix. Une installati­on intitulée Bettina and Bill L.A. 94/97. Bill Mullen est le styliste américain avec lequel elle a collaboré sur ces portraits qui interpelle­nt, à la fois glamour et trash, ou décalés et kitsch.

Pourquoi avez-vous accepté de présider le concours photo du festival d’Hyères ? Bettina Rheims : Jean-Pierre Blanc (fondateur du festival et directeur de la villa Noailles, ndlr) que j’ai rencontré l’année dernière m’avait proposé de faire une visite au festival. Je fais assez peu ce genre de chose, je sors peu. Je suis venue deux jours et ce lieu m’a envoûté. L’endroit lui-même qui est inspirant et chargé d’esprits du temps passé, et l’équipe formidable qui y travaille. Quelques mois plus tard, il m’a proposé de présider le jury, j’ai dit oui tout de suite, à la minute même. Et il y a une exposition aussi… Cela fait partie du deal. J’avais trouvé le squash, l’endroit dédié à la photograph­ie, un peu difficile. J’ai plusieurs exposition­s en ce moment à Paris mais je n’avais pas envie de faire un accrochage traditionn­el et il fallait que ce soit des photos de mode. J’ai toujours pensé qu’elles étaient plus à leur place dans les magazines pour lesquelles elles étaient faites. Pendant trois ans j’ai travaillé pour le magazine américain Details, collaboran­t avec un styliste absolument génial (Bill Mullen, ndlr). Cela a été pour moi, dans mon travail de commande, les années les plus joyeuses et les plus excitantes. Je me suis dit, je vais faire ça. Mon ami Jean Colonna m’a dit on va faire Details /. Une idée formidable de réduire le travail à ces trois années Los Angeles pour le magazine Details avec Bill Mullen plutôt que de faire une rétrospect­ive.

Comment avez-vous conçu l’exposition ? Nous sommes partis d’une image de la boutique de l’artiste Ben que j’avais vue à Nice dans les années soixante-dix. J’aimais ce cafouillis d’objets, de néons, de pochettes de disques, de trucs, avec sa signature partout… Au fond, ce travail c’est de la photograph­ie mais c’est aussi une époque, la mode des années quatre-vingt-dix. Je voulais repartir des pages de magazine, cela a été un long processus (...). Nous avons fait cet énorme panneau, puis des plus petits, d’autres encore plus petits que nous allions superposer, avec des déchirures à certains endroits. Il fallait aussi que le graphisme (du magazine, ndlr) ne disparaiss­e pas. Et puis, il fallait montrer les photos. On a réinterpré­té ces espèces de books qu’il y avait à une époque dans les magasins. Il y avait des posters qu’on flippait (feuilletai­t, ndlr) et qu’on achetait.

Le visiteur choisit les photos, les feuillette, les manipule… On s’approprie l’exposition, on choisit les photos. Il y a un jeu, on se demande si la photo est sur le mur. Il y a un va-et-vient permanent. J’espère que les gens vont prendre du temps car il y a des tas de petites surprises dans cette installati­on.

Concernant le concours photos… Il y a eu  candidats. Nous en avons vu environ , pour en sélectionn­er dix.

Il y a une diversité de parcours et d’origine des candidats… Nous ne nous sommes pas occupés de cela. Nous nous sommes plongés dans les images, laissés emporter par nos émotions et l’idée de chercher quelque chose que nous n’avions pas vu avant... Et pas la énième reproducti­on des maîtres de la photo.

Sur les dix finalistes, il y a neuf femmes… Oui, je m’en suis aperçu aujourd’hui (jeudi, ndlr). C’est incroyable, je suis rentrée dans la pièce et j’ai vu un grand gaillard finlandais et neuf filles. Aucun de nous ne l’a fait exprès, c’est un pur hasard.

De plus en plus de femmes font de la photograph­ie? Il y a toujours eu des femmes artistes. Il y en a de plus en plus forcément parce que nous en sommes à la énième génération de femmes qui peuvent travailler et se confronter aux mêmes problèmes et mêmes plaisirs que les hommes. Je pense qu’il y a une sorte de parité dans tout ça.

Qu’est-ce que vous attendez des photos sélectionn­ées? De l’émotion, de la technique… Tout le monde a de la technique aujourd’hui, en plus avec le numérique ce n’est pas très difficile… J’attends qu’on m’ouvre une fenêtre sur quelque chose que je n’avais pas vu et qu’on me le montre d’une manière à laquelle je n’avais pas pensé. Elles doivent aussi me questionne­r.

 ?? (Photos Hélène Dos Santos) ?? La photograph­e française Bettina Rheims a investi la salle de squash de la villa Noailles pour y présenter ses clichés Bettina and Bill L.A. /.
(Photos Hélène Dos Santos) La photograph­e française Bettina Rheims a investi la salle de squash de la villa Noailles pour y présenter ses clichés Bettina and Bill L.A. /.

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