Var-Matin (Grand Toulon)

VOILE Nice Ultimed : ils

Grande première niçoise pour le Nice Ultimed, cette course qui confronte l’élite des skippers de la Course au Large, sur les plus grands bateaux de course à la voile au monde

- PHILIPPE HERBET pherbet@nicematin.fr

Après deux jours de “warm up” à Marseille, et un prologue entre la cité phocéenne et la Baie des Anges, les “Géants des mers” engagés sur cette première édition étaient attendus à Nice, hier, tard dans la soirée, voire en pleine nuit. En attendant le grand départ de la course (programmé le  mai), les runs d’exhibition vont offriir une première occasion de profiter d’un show inédit, d’admirer au plus près le ballet toilé de ces machines conçues pour battre tous les records, avec un spectacle visuelleme­nt accessible depuis la terre...

La mer est un miroir, on y contemple son âme » écrivait Baudelaire. Aucun marin ayant eu, ne serait-ce qu’une fois, à affronter les éléments déchaînés, ne prétendra le contraire. Même si, aujourd’hui, bien plus qu’hier, océans et bateaux, comme des amants enlacés sur des vagues souvent insoumises, dessinent davantage, dans leurs étreintes, l’écume du temps qu’ils n’esquissent le début de la grande aventure. En cette époque où plus rien ne semble impossible, où la technologi­e a affranchi les équipages de bien des contrainte­s, et où l’Homme se fait oiseau migrant sur les flots (et oui, les bateaux « volent » désormais…), on défriche moins, en effet, de terres inconnues qu’on ne se lance, éperdument, dans de folles courses aux records. À la barre de ces drôles d’engins qui appartienn­ent au collectif Ultim, conçus pour affoler les chronos et nourrir tous les fantasmes. Mais la mer reste un miroir et surtout une maîtresse drôlement vacharde quand elle est furibonde. Capable, à chaque instant, d’engloutir les rêves des plus téméraires. Yves Le Blevec en a fait l’amère l’expérience, lors de sa tentative de tour du monde en solitaire, contre vents et marées. Tout comme, plus récemment, Armel Le Cleac’h, dont le Banque Populaire était donné grand favori de cette première édition du Nice Ultimed, mais qui a vu ses ambitions chavirer en même temps que son destrier, lors de ce qui apparaissa­it alors n’être qu’un banal convoyage vers la Méditerran­ée. Malgré le gigantisme de ces trimarans pourtant d’exception, leurs capacités à repousser toujours plus loin les limites du raisonnabl­e, voilà qui, nécessaire­ment, invite à l’humilité. Renvoie les hommes à leur condition de simples passagers du présent. «Le risque zéro n’existe pas, appuie Jean-Baptiste Durier, directeur de course au sein d’ASO (dont on ne commente plus l’expertise en matière d’organisati­on). Ces bateaux sont des prototypes, on est sur un sport mécanique, et dans un milieu naturel particuliè­rement exigeant. Alors, c’est vrai, parfois, il y a de la casse et ça fait, malheureus­ement partie du jeu… »

Casting de rêve

Ils ne sont donc plus que trois (IDEC, Sodebo et Actual Grand Large), après un warm up marseillai­s où l’adrénaline suintait sur ponts et pontons, à sagement s’impatiente­r depuis hier, du côté du Quai Infernet, à Nice. A tenter, encore et encore, d’y peaufiner les derniers réglages. Afin, le moment venu (départ le 2 mai, à 13h02), d’essayer, sur un terrain de jeu inédit, d’exploiter la pleine puissance de leurs « machines ». À l’occasion d’une course au format volontaire­ment hybride. « Un sprint au large », entre Corse, Sardaigne et Baléares, qui imposera très probableme­nt aux équipages de parfois naviguer à vue (c’est en tout cas le scénario attendu…). Quatre jours d’intenses manoeuvres, donc, et d’options tactiques en tous genres, pendant lesquels la moindre erreur pourrait néanmoins se payer cash. Mais avec, pour tenir les rôles titre de cette superprodu­ction hollywoodi­enne à suspense, la fine fleur planétaire de la voile hauturière. Pour ce « Choc des Titans », le casting, en effet, est exceptionn­el, en dépit des absences de François Gabart (choix) et Armel Le Cleac’h (pour les raisons évoquées plus haut).

Univers impitoyabl­e

Car Thomas Coville, Yves Le Blévec et Francis Joyon font partie de cette caste très « fermée » des skippers (ils ne sont, en tout, qu’une poignée dans le monde…) à être en mesure de défier tous les océans, en solitaire, sur ces bêtes de course, aux dimensions hors-normes et aux potentiels encore indécelabl­es. Le premier est un « tourdumond­iste » hors pair, un mec capable de tous les coups en mer ; le second, peut-être moins connu du grand public, n’en est pas moins navigateur qu’aucun obstacle n’effraye ; et le dernier, enfin, est juste le détenteur du mythique Trophée Jules-Verne… Leur expérience et celle de leurs équipages seront en tout cas des plus précieuses pour éviter les pièges tendus par cette Grande Bleue pas toujours amicale avec ceux qui viennent y croquer des milles. « Il faut vraiment comprendre qu’avec ce Nice Ultimed, on partage de l’extraordin­aire, veut encore convaincre Jean-Baptiste Durier. Avec des bateaux exceptionn­els, “pilotés” par les meilleurs marins de course au large au monde et qui, pour la toute première fois, sont réunis en Méditerran­ée. C’est donc une expérience et un spectacle à ne surtout pas manquer. D’autant qu’on a voulu, grâce notamment à notre expo découverte sur la Prom’, créer de l’interactiv­ité et pas seulement proposer un événement nautique de plus. L’idée, c’est vraiment de présenter au plus grand nombre ces marins et leur univers ». Un univers, comme on l’a vu, parfois impitoyabl­e, mais une mer qui, elle, et quoi qu’il puisse arriver, restera toujours un miroir de l’âme…

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(Photo DR) La ligne de départ se situera proche du port de Nice.
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