Var-Matin (Grand Toulon)

« Pas à l’abri d’une bonne surprise »

Il n’est pas le plus médiatique des skippers engagés sur ce Nice Ultimed mais Yves Le Blevec (Actual) compte parmi les marins les plus expériment­és du circuit. Rencontre…

- PROPOS RECUEILLIS PAR PHILIPPE HERBET

On s’est retrouvé, début , avec un programme mais plus de bateau”

S’il y a plus de force , ce sera très compliqué”

Yves Le Blevec, c’est l’histoire d’un gamin né en banlieue parisienne, mais qui, très jeune, a compris qu’il aurait du mal à résister à l’appel du large. Un gamin aussi fermement accroché à ses rêves que déterminé à les exaucer. Mais qui devra, néanmoins, s’armer de patience avant de pouvoir - enfin se lancer dans la course au large (à 36 ans passés !). Parcours atypique, donc, d’un homme à 1000 milles nautiques de l’image du marin solitaire et taiseux que l’on se fait parfois. Et qui, depuis ses débuts en 6.50, n’a eu de cesse d’étoffer un palmarès désormais aussi épais qu’un annuaire. Mais qui n’ignore pas, non plus combien, sur ce Nice Ultimed, il sera compliqué d’aller chatouille­r le Sodebo de Coville ou l’Idec Sport de Joyon.

Yves, pour quelles raisons exactement vous êtes-vous lancé dans cette aventure des Ultimes ?

La réponse risque d’être longue (rires) En fait, il y a eu convergenc­es de plusieurs facteurs. A l’issue de la Route du Rhum , on avait décidé, avec Actual, d’arrêter la course en multi . Samuel Tual (le président du groupe partenaire, NDLR) m’a alors demandé de réfléchir à de nouveaux projets, pour la période  - , projets qui soient innovants et ambitieux. Je lui ai donc proposé différente­s choses, comme un Vendée Globe, par exemple. Et puis, il y a eu cette opportunit­é de racheter l’ancien Sodebo et, en fouillant cette solution, on s’est vite rendu compte que ça ne pouvait être que passionnan­t. Sachant qu’être au départ du premier tour du monde Ultimes en course, en , c’est quelque part comme entrer dans l’Histoire de la voile ; contribuer, en tout cas, à en écrire une nouvelle page. Pour Actual, c’est aussi une façon d’aller sur le même terrain de jeu que des bateaux qui portent des marques de taille mondiale. C’est valorisant en terme d’image. Donc, pour résumer, les Ultimes, c’est à la fois une opportunit­é qu’on a saisie, la possibilit­é pour moi d’intégrer un événement sportif hors-normes et, pour mon sponsor, l’occasion d’intégrer un tissu économique qui

l’intéresse. Il y avait donc beaucoup de raisons d’y aller…

On le sait, vous avez bien failli ne jamais être au départ de ce Nice Ultimed…

C’était en effet mal embarqué. En fait, j’étais parti, l’hiver dernier, pour tenter un record de tour du monde en solitaire et à l’envers. Mais l’aventure s’est terminée prématurém­ent, au large du Cap Horn. Avec le bateau qui s’est cassé, puis a chaviré. Et qu’on n’a d’ailleurs pas pu sauver, les conditions en mer étant trop compliquée­s et les moyens nautiques à dispositio­n quasi inexistant­s. On s’est donc retrouvé, en début d’année , avec un programme, dont ce Nice Ultimed, sur lequel on s’était déjà engagé mais plus de bateau pour y aller. Heureuseme­nt, on a pu rebondir. D’abord, parce qu’Actual, grâce à la volonté de son président, a su gérer au mieux cette situation d’urgence. Et qu’ensuite, on a pu trouver un autre bateau, que pour le coup, on ne loue que pour cet événement. Car après la Route du Rhum, on va récupérer l’actuel Sodebo de Thomas Coville.

C’était quand même une véritable course contre-lamontre dans laquelle vous étiez engagée…

Oui, mais dans ce sport, c’est déjà un peu notre quotidien. En général, les choses se passent rarement comme on le prévoit, et ce qui fait justement la différence entre les bons et les autres, c’est cette capacité à s’adapter aux aléas qui ne manquent jamais de survenir.

Le chavirage d’Armel Le Cleac’h a donc dû résonner très fort en vous ?

C’est un vrai coup dur pour Banque Populaire. C’est un bateau magnifique et une équipe hyperprofe­ssionnelle, qui a abordé la préparatio­n de son projet de façon très rigoureuse, à tous points de vue. Mais voilà, et c’est pour tous une vraie piqûre de rappel, le multicoque, par essence, est instable. Et que le chavirage est toujours possible. C’est exactement

la même chose que pour un pilote de F, qui peut enchaîner  tours à fond sur un circuit et se rater au e. On a tendance à s’habituer à marcher sur un fil, à naviguer dans une stabilité précaire. Mais on est aussi obligé de vivre avec ça au quotidien.

Courir en équipage exige d’être bien entouré, d’avoir les bonnes compétence­s aux bons endroits. Et il semble que c’est votre cas ?

Si on fait le parallèle entre le milieu du sport et celui de l’entreprise, le skipper est une sorte de manager, mais sans bons collaborat­eurs, ça ne fonctionne pas. Ce qui est un peu particulie­r avec notre équipage, c’est qu’il est composé pour moitié d’éléments appartenan­t à la société qui nous loue le bateau (Grand Large Émotion), et pour autre moitié, par des membres du staff d’Actual. Dont Loïc Lingois, qui a intégré le team l’année dernière et qui a navigué sur tous les grands multicoque­s depuis  ans. Ou encore Jean-Baptiste Le Vaillant, qui a lui aussi une expérience colossale de ce genre de bateaux.

Dans quel état d’esprit et avec quelles ambitions abordez-vous ce Nice Ultimed ?

Sportiveme­nt, c’est simple, on n’a aucune pression puisqu’on est sur un bateau pas tout à fait aux standards des Ultimes. Il est légèrement plus petit et surtout plus bas sur l’eau. On pourra tirer notre épingle du jeu dans le petit temps, mais assurément, s’il y a plus que force , ça sera très compliqué. Notre niveau de performanc­e sera tellement météo-dépendant qu’encore une fois, on a peu de pression sur les épaules. À la limite, on n’est juste pas à l’abri d’une bonne surprise s’il n’y a pas beaucoup de vent… Mais ce qui est de toute façon le plus important, c’est d’avoir pu être présent au départ. Et d’avoir pu montrer aux organisate­urs, à la Région qui a porté l’événement, aux partenaire­s et aux autres acteurs de la course au large, qu’on sait respecter nos engagement­s.

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