Var-Matin (Grand Toulon)

Jean-Marc Barr : « Le grand cadeau de Jacques Mayol, c’est l’apnée »

L’interprète du Grand Bleu prête sa voix au documentai­re L’homme dauphin, consacré à Jacques Mayol, et revient sur l’héritage laissé par ce plongeur hors normes

- PROPOS RECUEILLIS PAR N. BRUN

‘‘ Dans l’esprit des gens, Jacques, c’était moi”

‘‘ L’apnée, c’est se mettre en contact avec sa mort ”

Trente ans après la sortie du Grand Bleu, Jean-Marc Barr rend hommage à son ami Jacques Mayol en prêtant sa voix au documentai­re de Lefteris Charitos, L’Homme dauphin, actuelleme­nt présenté en avant-première dans le Var (lire ci-dessous).

Visionnair­e et obsessionn­el, le maître de l’apnée était descendu à 105 mètres à 56 ans, en 1983, explosant tous les records et balayant en quelques coups de palmes bon nombre d’a priori scientifiq­ues en la matière. Avec Le Grand Bleu, Luc Besson avait sorti ce plongeur hors normes de l’anonymat. Mais cette fable marine emblématiq­ue des années 80 était prémonitoi­re : Jacques Mayol a rejoint les profondeur­s à 74 ans. Un suicide par pendaison à son domicile italien de Capoliveri, en 2001. Dans Homo delphinus, la bible des apnéistes qu’il avait publiée en 1986, il disait : « L’homme ne meurt pas tant qu’il sait rêver, et le rêve de l’homo delphinus vivra tant que l’homme n’aura pas totalement détruit la mer ».

Que nous apprend le film de Leftéris Charitos sur Jacques Mayol ?

Le film remonte les émotions qui sont dans Le Grand Bleu, mais avec ce côté documentai­re qui colle à Jacques Mayol tel qu’il était vraiment. Il était sincère, Jacques, et si on était sincère, on était son ami... Comme Kerouac, dans ses voyages et son écriture, il a trouvé le moyen de rester en contact avec sa passion, jusqu’au moment où c’est devenu impossible. Vous dites que Jacques Mayol a plutôt mal vécu le succès du Grand Bleu ? Il avait tout laissé pour trouver une émotion entre l’être humain et la mer, jusqu’à ce film qui a mis son nom dans les étoiles. Le génie de Luc Besson qui est aussi un business man, c’est d’avoir vu le potentiel de cette histoire. Mais dans l’esprit des gens, Jacques Mayol c’était moi, les fleurs étaient pour moi. Et je crois que Jacques a trouvé ça insupporta­ble. Il avait aussi un énorme ego et il s’est retrouvé dans une situation très bizarre : le succès d’un film qui éclipsait son identité. Quand je me suis rendu compte que l’on pouvait remonter Mayol sur le piédestal qu’il méritait, j’ai donc participé à ce documentai­re qui lui est consacré.

La fin du Grand Bleu est ambivalent­e, et trouve une résonance avec la disparitio­n tragique de Mayol. Quelle est votre propre interpréta­tion ? C’est une chose qui n’est pas claire pour moi : est-ce que c’est la folie des profondeur­s qui le fait partir avec les dauphins à la fin du film ? Estce que c’est un suicide ? Est-ce un type confus qui a transféré son homosexual­ité latente sur les dauphins ? Je crois que Jacques Mayol, c’était un peu ça aussi. On doit à Jacques Mayol la popularisa­tion de l’apnée que vous pratiquez toujours. Pourquoi cette discipline fascine-t-elle tant ? L’apnée est en phase de devenir un sport et d’intégrer les Jeux Olympiques, et je trouve ça magnifique. C’est totalement différent de la plongée avec des bouteilles. En apnée, on ne fait qu’un avec la mer, on en fait partie. Cette émotion, il faut l’amener plus loin aussi. C’était le discours de Mayol en  : quand il disait qu’on pouvait descendre à  mètres, on le prenait pour un fou ! Maintenant, avec une gueuse, on descend à  mètres… Les fonds marins, c’est un univers qu’on connaît encore très mal.

Comment pourrait-on définir l’héritage que nous a laissé Mayol ? L’apnée, c’est se mettre en contact avec sa mort. Quand tu arrêtes ta respiratio­n à quinze mètres de profondeur, le temps est limité… C’est une chose à la fois sensuelle et spirituell­e, tu es dissous dans les éléments. C’est le grand cadeau de Jacques Mayol de dire qu’on peut aller encore plus loin sous l’eau.

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(Photo Luc Boutria)

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