DANS LES PAS DE LA POLICE SCIENTIFIQUE
Nous avons suivi deux agents spécialisés de la police technique et scientifique du commissariat de La Seyne. Ces Experts sont partis à la recherche de traces permettant d’identifier les auteurs de dégradation dans deux salles de classe de l’institution pr
Nous n’avons droit qu’à trois prélèvements biologiques d’ADN.”
Qui en veut aux classes de Seconde 1 et 2 de l’institution Sainte-Marie à La Seyne? Il est 14h30. Mercredi 2 mai. En période de vacances scolaires, la grande cour de l’établissement d’enseignement privé est vide. En ce lendemain de jour férié, Régis D. et Cédrik C. sont accueillis par Yves Faure, le gestionnaire des “Maristes”. Ils sont sur place pour tenter de répondre à la question récurrente. Seule l’arme qu’ils portent accrochée à la ceinture atteste de leur qualité de policier. Les deux hommes, habillés en civil, sont des agents spécialisés de police technique et scientifique. Ils sont attachés (avec deux autres fonctionnaires) à la brigade de sûreté urbaine (BSU) du commissariat de La Seyne, mais dépendent aussi du Service local de police technique et scientifique (SLPT) de Toulon.
On dirait qu’une tornade a soufflé
«On s’est déjà vus, non?», interroge Cédrik D. C’est vrai qu’Yves Faure les connaît. C’est la troisième fois cette année qu’un ou plusieurs vandales s’en prennent aux deux classes. En 2017, ils ont aussi multiplié les mauvais coups, allant même jusqu’à dégrader des véhicules garés dans la cour. Ils visent toujours les mêmes salles. Avec la volonté de casser. Gratuitement. Cette fois encore, les techniciens vont essayer de relever des traces qui pourront être exploitées pour tenter d’identifier le ou les coupables. C’est la même équipe qui récidive en toute impunité. La piste de la volonté de vengeance est prise au sérieux. Les traces, espèrent les policiers, pourraient “matcher” avec celles qui sont prélevées sur toutes les personnes condamnées à plus d’un an de prison ou mises en cause dans des affaires de stupéfiant et enrichissent les fichiers de comparaison… « C’est l’équipe d’entretien du bâtiment qui donne l’alerte à 7h30» , confie le gestionnaire. Une plainte a été déposée au commissariat, déclenchant l’intervention de l’après-midi. La scène est figée depuis le matin. On dirait qu’une tornade a soufflé dans les deux salles de classes. Vitres cassées, tables, chaises et lourdes armoires métalliques renversées au sol, matériel informatique brisé… Les premières constatations établissent que le ou les individus ont pénétré dans les salles avec effraction, sans doute dans la nuit du lundi au mardi – «dimanche il a plu, or il n’y a pas traces d’eau » – en brisant un carreau. «Ne touchez à rien!» lancent Régis D. et Cédrik C. qui enfilent des gants, se protègent le visage à l’aide d’un masque chirurgical, ouvrent leur mallette, en sortent leurs outils et se dispatchent dans la première salle. Ils mettent en oeuvre la procédure classique déclenchée sur toutes les scènes de cambriolage. L’un des policiers cherche un caillou lancé par un vandale pour briser une vitre et qui pourrait être porteur d’une empreinte génétique. «Ilya peut-être des traces d’ADN dessus », espère Régis D. en plaçant une pierre dans un sachet.
Une analyse ADN coûte euros
Son binôme s’intéresse, lui, au cadre en plastique d’un moniteur informatique qui pourrait porter des traces d’ADN. À l’aide d’un grand coton-tige humide, il frotte le pourtour de l’écran. « Dans ce cas de figure de “délinquance de masse” nous n’avons droit qu’à trois prélèvements biologiques», indique le policier. Des prélèvements qui seront envoyés pour analyse à l’Institut national de police scientifique (INPS) d’Ecully, près de Lyon. Il faut savoir que le coût d’une analyse d’ADN (kit de prélèvement compris) est de 280 euros. Le troisième prélèvement sera opéré sur une armoire qui a été soulevée à deux mains pour être renversée au sol. C’est sur les armoires et les encadrements des fenêtres que les policiers vont ensuite tenter de relever des traces papillaires (doigt) ou palmaires (paume de la main) que les vandales pourraient avoir laissées, en les cherchant d’abord avec le pinceau d’une lampe torche incliné à la verticale.
Incompréhension
Tous deux utilisent ensuite de la poudre magnétique noire – l’une des techniques utilisée qui a leur préférence – pour en badigeonner les surfaces prometteuses. Comme par magie, la paume d’une main ou l’extrémité d’un doigt se dessine sur la tranche d’une armoire ou le rebord d’une fenêtre. Des traces qu’un transfert sur un carré de plastique transparent adhésif révélera hélas inexploitables. «La rugosité des supports en est la cause », explique Régis D. en montrant un relevé strié de nervures. Il est 15 h 15, les deux policiers investiguent maintenant dans la deuxième salle, tout aussi dévastée que la première. Ils écartent une empreinte bien dessinée sur une vitre intacte. « La première chose que l’on
C’est du sang sur la table !”
apprend, c’est qu’une empreinte visible est inexploitable », vulgarisent-ils. Au bout de 15 minutes de recherches, ils avouent leur impuissance. Aucun relevé ne semble exploitable. «Il est pourtant impossible de casser un carreau et de passer la main pour ouvrir une fenêtre sans se couper !, s’interroge irrité Cédrik C. Sans comprendre. Et c’est toujours la même équipe qui opère. » Mais quelques minutes plus tard, la persévérance et le métier payent enfin !
Une empreinte exploitable sur le socle d’un trophée
Une trace de doigt fraîche se dessine nettement sur le socle en pierre brisé d’un trophée sportif d’où elle est transférée sans plus tarder. C’est maigre, mais les spécialistes cette fois ne rentreront pas bredouilles. Il est 15 h 20. Le relevé sera transmis pour être exploité au Service local de police scientifique de Toulon. Les policiers s’apprêtent à prendre congé quand soudain, bingo! Une table, débarrassée de la chaise positionnée dessus par les vandales pour s’acharner sur un vidéoprojecteur accroché au plafond, est tachée d’une toute petite goutte rouge. Elle n’échappe pas à l’oeil exercé de Cédrik C. « C’est du sang ! » identifie-t-il avec jubilation. Un “test millimétré” sera posé à côté de la tâche et une photo réalisée avant un prélèvement d’ADN, toujours avec un coton-tige humide. Si pour avoir une valeur juridique, les empreintes papillaires ou palmaires comparées doivent mettre au moins en évidence douze points de concordance entre elles, avec l’ADN c’est le jackpot assuré ! La preuve ultime. «Jusqu’à trois profils différents peuvent être identifiés avec une seule trace, s’enthousiasment les policiers. Le sang et les mégots de cigarettes sont d’excellents révélateurs. » Et si le prélèvement ne “matche” pas immédiatement, il tournera dans le fichier national des empreintes génétiques pendant trente ans. Il sera en permanence comparé. L’étau se resserre sur le ou les auteurs des dégradations. Les policiers scientifiques de La Seyne sont confiants. Leur très bon taux d’élucidation parle pour eux.