Var-Matin (Grand Toulon)

« Aujourd’hui, c’est extraordin­aire »

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«Dès les premiers mètres, c’était le cloaque, l’enfer. Nous étions dans les plastiques et les papiers hygiénique­s (dont nous avions même l’odeur dans le masque). L’herbier de posidonies n’existait plus, ne restait que quelques touffes engluées dans la vase à plus de  m. Il n’y avait qu’une population unique, ces étoiles de mer noires qui mesurent jusqu’à  cm et qui se régalaient de la matière organique. Nous avons tourné des images chocs et le film a obtenu, en , la palme d’or du film scientifiq­ue à Rio-deJaneiro. Mais il a fallu

attendre des mois pour que trois minutes soient diffusées au JT de France . Et ce, en présence du ministre de l’époque qui a ordonné le déblocage immédiat de fonds pour construire des stations d’épuration sur le littoral. Aujourd’hui, la situation en est bien meilleure, notamment au cap Sicié grâce à la station et au programme de restaurati­on écologique. Toutefois, il reste des points noirs en Méditerran­ée, comme l’étang de Berre. Mais globalemen­t, c’est pour moi une grande satisfacti­on de voir les progrès accomplis car, à l’époque, la Méditerran­ée allait mourir ». Directeur du développem­ent de Véolia en Provence, Emmanuel Plessis fait partie de l’équipe de plongeurs qui s’est mise à l’eau hier. Son constat est sans appel : « Quand j’ai plongé ici en , lors de l’installati­on des récifs artificiel­s, il n’y avait que du sable, parfaiteme­nt propre. Puis j’y suis retourné un an après, et j’ai vu la colonisati­on démarrer. Les premiers organismes filtreurs s’installaie­nt, et on voyait apparaître des marqueurs de bonne qualité du milieu : petits poissons, étoiles de mer, anémones, posidonies… C’était la preuve que la pollution était non seulement stoppée, mais que la nature retrouvait un point d’équilibre. Deux ans plus tard, ce que nous avons vu ce jeudi est extraordin­aire : sur ce site de  m², toute la chaîne trophique est en place. On voit des bancs entiers de juvéniles, des serrans, et même des sars que nous n’avions jamais observés. Or le sar est un poisson chasseur ; donc s’il vient ici, c’est qu’il y trouve assez de nourriture. Ce qui est aussi extraordin­aire, c’est qu’entre chaque récif immergé (distant de  à  mètres), il y a une quantité importante de flore qui se fixe, y compris sur le fond. Et ce, au-delà de ce qu’on imaginait. C’est une véritable oasis de vie et c’est très encouragea­nt ! » Quelle sera la suite ? « De tels dispositif­s n’avaient jamais été testés en France pour restituer des fonctions écologique­s dans un milieu de rejet. Maintenant qu’on sait que cela fonctionne, on pense à l’étape d’après. À savoir faire de la reconquête à grande échelle, en mode « industriel » avec plus de modules : des récifs bobines, des récifs oursins, des pyramides, des structures plates… Puis, à l’avenir, transposer cela sur d’autres sites ».

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(Photo D. Leriche) Nardo Vicente.
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(Photo D. Leriche) Emmanuel Plessis.

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