Maître de conférences et spécialiste ès graffiti
Peut-on enseigner l’histoire et la philosophie des sciences, et en même temps se passionner et encourager la pratique du street-art ? Oui, répond Christian Gérini, homme aux multiples facettes
Au départ professeur agrégé de mathématiques, auteur d’une thèse en philosophie, Christian Gérini est enseignant chercheur à l’université de Toulon. Il enseigne en histoire des sciences, épistémologie, mathématiques. Un profil sérieux, contrebalancé par une passion pour la culture urbaine, graffiti, street-art. «Je vais où mes passions me portent, et c’est ce que j’encourage mes étudiants à faire, dit-il. J’ai toujours été intrigué par les graffitis. J’y vois une corrélation avec l’art brut défini par Dubuffet, un art sans formation ni culture artistique, des artistes qui expriment ce qu’ils ont dans les tripes sans parfois avoir conscience de faire une oeuvre d’art. » Il y a de ça dans le tag (« J’encourage les jeunes à continuer de taguer, leur style évoluera») comme dans les lettrages complexes des graffs. Curieux, Christian Gérini est allé au-devant de ces artistes du bitume, sans a priori. « J’ai toujours été très bien accueilli, et c’est ce qui m’a incité à mieux les connaître et partager ce qu’ils font.» Chez lui à Pierrefeu, il dispose de quelques bombes de peinture, s’essaie sur des pochoirs. Il a même enjoint son fils – 10 ans à l’époque – à s’exprimer par l’aérosol après avoir repeint sa chambre en blanc. Mais c’est dans la promotion des artistes que Christian Gérini est définitivement le meilleur. Photographe passionné, détenteur de nombreuses photos de fresques, il est sollicité pour des conférences sur cette composante de l’histoire de cet art. Féru de la sociologie des acteurs et des réseaux d’acteurs de cette culture, il a été interrogé trois fois sur France Culture. recueil «Street-art et graff dans le Var, des talents insoupçonnés ». Éclectique, on vous dit. À l’université, ce prof de 61 ans se dit sollicité « par les gens avec qui je travaille pour des projets en ingénierie des médias, arts et sciences, nouvelles technologies de communication». Mais tout le monde ne comprend pas cette passion. Qu’importe, lui continuera à aller voir les graffitis dans les villes qu’il visite en vacances, Naples, Lisbonne, Berlin, New-York. La passion, ça ne se commande pas. «J’aimerais surtout remercier ces graffeurs qui ont renouvelé l’art. Cela fait 50 ans que l’art est mort en devenant marchand. Sans parler de beauté, le street-art interpelle. Et même si certains artistes sont rattrapés par la marchandisation, cela n’enlève rien à leur expression».