«Les gens croisés dans la rue sont des romans!»
Comédienne, scénariste et maintenant romancière : Nicole Jamet vient de publier son premier roman, «L’air de rien». Elle dédicace cet après-midi, à la librairie Charlemagne de Toulon
Il« faut beaucoup de confiance en soi pour écrire un roman. C’est très présomptueux ! » Nicole Jamet sourit, lumineuse. Solaire en traversant le jardin de sa maison toulonnaise. C’est ici, dans cette bâtisse propriété familiale de son mari Pierre-Jean Rey, que l’auteure a donné vie et corps à Luce et Chirine, les deux héroïnes de son premier roman « L’air de rien ». Une nouvelle corde à l’arc de la comédienne, inoubliable Roxanne au théâtre. Ces dernières années, c’est dans l’écriture de scénarios (Dolmen notamment…) que la comédienne a fait parler d’elle. Dans l’exercice, « Speakerine » récemment diffusé sur France 2, a marqué sa dernière participation. « Les scénarios, c’est de l’esclavage » confie-t-elle. Elle ne renie pourtant pas cette école, très formatrice. Mais « comme j’ai la chance d’être retraitée maintenant, j’écris pour mon plaisir. » L’écriture fait partie de son ADN. Adolescente, elle noircissait les pages de cahiers, une « aide à la réflexion dit-elle, une sorte de thérapie ». Plus tard, elle a même proposé d’écrire des adaptations à la télévision « cela ne s’est pas fait pas fait parce que j’avais du travail au théâtre… »
« Je n’ai jamais été star system »
La scène sur laquelle la jeune femme, « d’une timidité maladive », exprime tout le champ de son talent comme si, « à travers les mots des autres, j’avais le droit d’exister ». Un papillon qui retrouvait sa chrysalide une fois le rideau tombé : « Quand je jouais Roxanne dans Cyrano avec Jacques Weber, je m’échappais à la fin pour qu’on ne m’attende pas à la sortie. Je préférais que le public reste sur l’image du personnage. Déshabiller le rêve des gens c’est pour moi le contraire du métier. » Quand, la quarantaine rayonnante, les rôles se sont faits plus rares - « je n’ai jamais été star system, je n’avais sans doute pas assez d’ego » -, celle qui a toujours préféré être « cachée derrière », en a profité pour s’en retourner à son amour des mots. « Caché derrière », c‘est d’ailleurs l’un de thèmes de son roman. Il lui permet de remonter le fil de la vie de Luce : « J’ai toujours envie de savoir qui sont mes personnages, ce qu’ils font là. D’ailleurs, la vie est encore plus foisonnante, plus étonnante que ce que l’on invente. Tous les gens que l’on croise dans la rue sont des romans qui passent… » L’histoire de Luce est née « après la lecture d’un article sur la recrudescence de la délinquance des personnes âgées au Japon, avant l’hiver. Évidemment pour se faire mettre en prison… Je me suis demandé comment cela se passerait ici. Et j’ai commencé à imaginer une vieille dame et son amie, comment elles pourraient faire .»
Un deuxième roman en préparation
La liberté du roman lui permet aussi de « mettre mon grain de sel, sur ce que je pense de certaines choses de la vie… » Elle se servira par exemple, de la colère des femmes, dont la parole s’est affranchie depuis l’affaire Weinstein. « Il était temps » tempête la comédienne. « Je me demande pourquoi on ne disait rien à l’époque. Pourquoi on se sent coupable ? Pourquoi on ne s’est pas mises en colère plus tôt ? » « L’air de rien » vient tout juste de sortir de presse que déjà, Nicole Jamet s’est attelée à la rédaction d’un deuxième opus. Boulimique d’écriture ? « J’en ai besoin, sourit-elle. C’est court une vie. Et j’ai envie de continuer à rencontrer des gens, à leur inventer des vies. » La trame ? « Comment un enfant du placard parvient à devenir un superbe papillon et à prendre son envol. » Elle construit les personnages, veut en percer l’essence plus profondément encore que Luce : « Comment une femme au plus bas de l’échelle peut-elle faire du mal à son enfant, est-elle un monstre ? réfléchit l’auteure. Et puis, quelqu’un d’extrêmement brillant, admirable, adulé mais qui est humainement détestable .» De ces gens qu’il lui est arrivé de côtoyer, que l’on dit admirables mais qui se révèlent méprisables… Elle qui se laisse avoir et éblouir « quand je suis déçue, ça me blesse, je m’en veux ». Elle ne se presse pas pour autant : « J’en suis à l’élaboration du squelette. J’ai écrit cinq chapitres d’une dizaine de pages pour trouver le style narratif, mais je ne sais pas encore où ça va m’emmener. » Nous, on est déjà impatient de le savoir. « ça va me prendre une bonne année je pense… » sourit
la romancière prévenante. Et bien décidée à prendre le temps. Parce que sa vie c’est aussi enfants, petits-enfants, copines de gym ou autres, balades sur la plage avec sa chienne et… jardinage ! « Tout le monde parle de méditation pleine conscience. Moi c’est le jardinage qui me procure les mêmes sensations…» Ici, maintenant, « on n’est pas centré sur soi ». Une activité qui lui cause quelques inquiétudes aussi: « Cette année, je n’ai pas vu une seule abeille ! » Touchée par les problématiques écologiques, l’avenir de la planète, elle signe toutes les pétitions sur le sujet ou presque.L’air de rien, Nicole Jamet est décidément bien ancrée dans l’air du temps.
C’est très présomptueux d’écrire un roman”