Signé Roselyne
Lundi
L’organisation non gouvernementale OXFAM publie un rapport sur les entreprises du CAC , dénonçant le fait que ces sociétés depuis ont attribué ,% de leurs bénéfices à leurs actionnaires, réinvesti ,% de ces profits et attribué % de ceux-ci à leurs salariés sous forme d’intéressement et de participation. Ces chiffres ont immédiatement suscité une vague d’indignation chez tous ceux qui vilipendent l’économie de marché aveugle, le capitalisme immoral et les actionnaires gloutons. C’était d’ailleurs le but recherché par OXFAM qui revendique sans faux-semblant son idéologie gauchiste. Plus curieusement, ceux dont le rôle aurait été de faire un minimum de pédagogie sur des mécanismes complexes se sont emberlificotés dans des explications gênées appelant au rééquilibrage dans l’attribution des profits. Pourquoi pas ? Il aurait été plus juste toutefois de rappeler que les comparaisons d’OXFAM étaient particulièrement malhonnêtes puisque la rémunération des salariés relève de salaires, de cotisations sociales qui sont des prestations différées et de divers avantages en nature, restaurants d’entreprise, chèques-vacances ou crèches entre autres. Il est d’ailleurs à noter que, dans les entreprises du CAC , ces éléments –salaires, cotisations et avantages- sont très supérieurs à la moyenne nationale. Le rapport aurait dû les mettre en face du montant des dividendes et non des chiffres forcément marginaux du rendement de l’intéressement et de la participation. Mais ce qui est proprement confondant est que quasiment personne n’a rappelé ce que l’on trouve pourtant dans n’importe quel manuel d’économie « pour les nuls », à savoir que le versement d’un dividende ne constitue pas un enrichissement de l’actionnaire, puisque ce versement est compensé par la baisse de la valeur de ses actions. Payer un dividende correspond à une cession d’actifs qui transforme en liquidités une part de l’entreprise. Si vous détachez un coupon de euros de dividendes d’une action de euros, celle-ci ne vaut plus que euros. Pour parler encore plus simplement, si vous vendiez la place de parking de votre appartement, vous auriez bien le montant de la transaction sur votre compte, vous seriez-vous pour autant enrichi ? Le véritable enrichissement de l’actionnaire est réalisé lors de la cession de ses actions si le risque encouru lors de son achat s’est révélé pertinent en terme de plus-value. Il est sûr que ceux qui ont acheté des actions d’Eurotunnel francs en et les ont revendues francs en ont gagné beaucoup d’argent… sans oublier que ceux qui les ont acheté en et les ont revendues francs en se sont retrouvés Gros-Jean comme devant ! C’est cela aussi le charme de la Bourse : vous pouvez y perdre toutes vos économies en moins de temps qu’il ne vous en faudra pour lire un rapport d’OXFAM.
Mardi
Les images sont terribles et leur juxtaposition saisissante. D’un côté, Ivanka Trump, héritière glamour dans sa toilette de grand couturier, inaugurant, comme s’il s’agissait d’un cocktail mondain, l’ambassade américaine à Jérusalem et fêtant le e anniversaire de la création de l’Etat d’Israël. De l’autre, les affrontements sanglants qui, à Gaza, ont opposé la foule palestinienne à l’armée israélienne et causé morts, tous palestiniens. S’il faut inlassablement proclamer le droit d’Israël à exister et à se défendre, on ne peut réduire la révolte palestinienne à la manipulation - certes avérée - de la foule par une organisation terroriste, le Hamas. Ce qui se passe en Palestine est bien plus terrible. La vérité est que les Palestiniens ont perdu la partie sur tous les plans. Les travaillistes modérés qui jadis, avec Yitzhak Rabin par exemple, défendaient une démarche équilibrée et avaient été les artisans des accords d’Oslo, ont quasiment disparu du paysage politique de la Knesset où l’extrême-droite la plus va t’enguerre tient le haut du pavé. Les pays arabes sunnites, Arabie Saoudite en tête, les ont lâchés politiquement et financièrement et sont devenus les alliés d’Israël contre le grand Satan chiite iranien. Le maître du monde, Donald Trump, a jeté aux orties le rôle de médiateur qu’ont défendu vaille que vaille ses prédécesseurs. Les politiques de colonisations massives ont rendu impossible toute solution à deux États et l’annexion de Jérusalem-Est est en marche. Les Palestiniens qui vivent dans les camps de réfugiés voient la maison construite par leurs ancêtres habitées par des Israéliens ou détruite au mortier. En absence de toute perspective, les élites palestiniennes fuient les territoires occupés. Gaza est devenu le chaudron du diable : sur une bande de kilomètres carrés s’entassent millions de personnes, comme si en France vivaient , milliards d’habitants, la continuité est impossible avec la Cisjordanie et aucun développement économique n’est envisageable. Ceux et celles qui croient, de bonne foi sans doute, qu’un dialogue peut s’ouvrir entre les deux camps pour construire une solution négociée font preuve de naïveté. Hélas, la seule voie aujourd’hui ouverte est celle du désespoir et de la violence.
« Foin d’intellectualisme, les bergères qui épousent des princes font toujours rêver.»
Mercredi
Le Comité national d’éthique par la voix de son rapporteur, Régis Aubry, vient de rendre un avis salutaire sur la situation des personnes âgées dépendantes dans notre pays. Loin des éternels discours réclamant toujours plus d’argent dans un système social pourtant le plus coûteux du monde, il met chacun devant ses responsabilités. Régis Aubry dénonce avec force une forme latente de maltraitance… à la fois au plan politique, mais d’une façon plus générale au plan social et au plan familial. Quand le rapport pointe que % des personnes de plus de ans n’ont quasiment plus de contacts avec leurs enfants, l’effroi vous saisit. Il faut être juste, il est aussi des dévouements admirables, des aidants qui accompagnent jusqu’au bout leur proche en s’oubliant euxmêmes. Saluons-les avec admiration et reconnaissance. Mais globalement, notre société ne veut plus voir les personnes fragiles, celles qui ne correspondent pas aux canons véhiculés par des publicités où des actrices septuagénaires photoshopées avec art se trémoussent pour nous vendre des crèmes antirides. Les discours compassionnels cachent en fait un propos obscène : cachez, de grâce, ces vieux que nous ne saurions voir.
Samedi
Bonté gracieuse ! Deux milliards de téléspectateurs pour le mariage du prince Henry de Galles et de Madame Meghan Markle… Certes, on peut se moquer devant cette folie médiatique qui saisit même les plus sérieux, s’amuser de cette Grande-Bretagne qui tente d’oublier les tracas du Brexit devant les fastes royaux, s’étonner que la France républicaine soit la première à tomber en pâmoison devant un troupeau d’aristocrates somme toute peu sympathiques, s’énerver devant les propos de midinette des commentateurs de tout poil. Saluons en tout cas l’intelligence cynique d’une famille royale qui a compris que si elle voulait garder ses extravagants privilèges, il fallait qu’elle en donne au peuple pour son argent et transforme le spectacle de sa vie privée en un gigantesque soap opera. L’avantage de cette démarche parfaitement amorale est que même les turpitudes des uns, des unes et des autres participent au feuilleton dont nous nous repaissons. Le prince Philip d’Edimbourg a parfaitement conceptualisé le complot ourdi par le clan Windsor puisqu’il appelle la famille royale « la firme ». On est même passé avec ce mariage à la vitesse supérieure. Echaudés par le procès en indifférence instruit lors de la mort de la princesse Diana, les Windsor-Mountbatten en ont rajouté dans la bienveillance pour accueillir une actrice américaine qui s’était illustrée dans quelques films olé-olé, métisse, divorcée, à la famille improbable. C’est le Prince de Galles, himself, qui l’a conduite à l’autel. Madame Markle, pardon Son Altesse Royale la duchesse de Sussex est prévenue : si ce mariage échoue, ce sera entièrement de sa faute ! Au fait, j’avoue tout : j’ai interrompu l’écriture de cet éditorial pour regarder la cérémonie… Foin d’intellectualisme, les bergères qui épousent des princes font toujours rêver.