« Ils nous donnent énormément »
« Ma mission première, c’est la relation», sourit Julia. Et ici, on a de vrais échanges avec les résidents… «Ils viennent nous solliciter du regard, par des gestes et au bout d’un certain temps passé auprès d’eux, on finit par comprendre tout de suite leur demande. Vous savez, ils ont beaucoup de capacités ! » Pas question pour la jeune femme d’envisager sa relation avec les résidents comme unilatérale. « Ils nous donnent énormément. C’est peut-être pour cela que l’on a moins besoin de reconnaissance de nos directions que des salariés d’autres secteurs ! Un simple : ‘‘Ma Julia, ma chérie’’, ‘‘Comme tu es belle!’’ suffit à me donner le sourire. » Cela s’impose à nous : le personnel qui accompagne les malades psychiatriques dans ce type de structure porte sur eux un regard différent du nôtre. Ou plutôt, il ne voit pas ce que nous voyons. Lorsque nous « découvrons » l’univers du handicap mental, notre regard est happé par les seules images : des corps qui se contorsionnent, s’arc-boutent, trop maigres ou trop gros, des expressions faciales inhabituelles, figées ou grimaçantes… Incapables de lire dans cette différence, nous avons souvent tôt fait de préjuger de « l’indignité » du handicap. D’y associer la souffrance, la tristesse… Ceux dont le métier est de prendre soin au quotidien de cette population ont la seule conscience de son humanité intacte. « La vie d’une personne atteinte par une maladie psychiatrique très sévère vaut-elle la peine d’être vécue?» La question – volontairement provocante – les sidère. À juste titre. Une vie est une vie. Et une vie, ça se respecte, quels que soient ses contours. C’est évident. Juste en les regardant être auprès de ceux qui ne réclament finalement que ça de la société : qu’elle les envisage comme des êtres humains à part entière.