«Partir sur un autre projet»
Le visage défait mais parfaitement digne après cette cuisante défaite, Mourad Boudjellal a annoncé la fin d’un cycle et l’arrivée d’une nouvelle génération. Le changement, c’est maintenant
La défaite est-elle méritée ? C’est une défaite, on est éliminé du Top en quart de finale. Ce n’est pas le pire des résultats, mais ce n’est pas un bon résultat pour nous. Êtes-vous en colère ce soir ? Non, parce que ce sont des moments où on quitte des joueurs, donc il y a de l’émotion. Ensuite, on a quand même beaucoup reçu ces dernières années. Certaines années, on reçoit moins. C’est l’histoire du rugby, de la vie. Je voulais tout casser à Lyon, j’ai changé d’avis. Avez-vous une sensation de gâchis ? On n’est jamais rentré dans le match. On vient d’en parler. Peutêtre qu’il ne fallait pas faire tourner à Pau. On n’a jamais trouvé le rythme. Après, Pierrot avait super bien préparé son coup. Heureusement qu’il lui manquait des joueurs clés… Il y a aussi des décisions arbitrales dont on pourrait parler, mais je n’en parlerai pas. Notre défaite ne vient pas de là. C’est un échec, voilà. On va dire que c’est la fin d’une période qui a duré assez longtemps, un peu bénie. On va partir sur une autre période pour attaquer le nouveau championnat l’année prochaine… Vous expliquez que Pierre Mignoni a bien préparé son match. Liam Gill a aussi fait un grand match. Cela vous laisse-til des regrets de les avoir laissés partir ? Non, parce que quand je me sépare de Liam Gill, on sait que c’est un grand joueur. J’ai alors beaucoup de joueurs qui ont deux ans de contrat. Lui n’en a qu’un et il a un salaire qui ne me permet pas de respecter le salary cap. Alors oui, peut-être que ce soir on aurait gagné avec lui, mais je serai convoqué au conseil supérieur de la DNACG. Je le suis déjà, ce serait encore pire. Deux quarts de finale, c’était juste le Smic pour le RCT. Qu’en est-il après cette défaite ? C’est moins que le Smic, c’est le RSA. Mais on va s’en contenter. Ça fait mal mais on va se relever. On va partir sur un autre projet, celui que j’annonce depuis plusieurs saisons, et on va voir si les Toulonnais nous suivent. Ce soir, ce modèle que j’ai construit, et qui a été beaucoup copié, est mort. Il va falloir passer à un autre modèle. On verra si les Toulonnais adhèrent... C’est-à-dire ? Je pense qu’il faut rendre Toulon aux Toulonnais. Les années passées nous ont laissé un héritage, une génération de gamins qui a découvert le haut niveau avec Tana Umaga et Jonny Wilkinson, et qui s’est précipitée vers le rugby. Ils ont vu combien ce sport professionnel était exigeant. Wilkinson leur a montré que rien n’était dû au hasard. Cette génération est là et on va travailler avec elle. En ce moment, je signe des gamins en équipe de France qui me disent « J’ai découvert le rugby avec Umaga ». Il va falloir exploiter Je pense qu’il faut rendre Toulon aux Toulonnais” cette génération de jeunes joueurs toulonnais qui, eux, ont gagné beaucoup ces dernières années. C’est mon rôle et mon devoir. J’avais dit que je voulais changer de modèle. Ce soir, la vie me le confirme. Quel objectif avec ce nouveau modèle ? On va rentrer dans un Top de plus en plus difficile. Être dans les six sera compliqué mais pas impossible. Il y aura dix ou douze candidats. C’est excitant parce que chaque année, on avait l’impression qu’être dans les six était une normalité et que la saison démarrait à partir de là. Ce match ressemble à notre saison. On a eu plein de matches avec des statistiques de vainqueurs mais on mange des essais. C’est le portrait-robot de la saison. On se retrouve sans numéro , sans buteur. On a passé un quart d’heure comme ça. C’est le reflet de la saison. Là je suis un peu abattu, c’est normal, parce qu’il ne faut jamais s’empêcher de tomber pour pouvoir se relever. Mais on est loin d’être mort… C’est juste une déception, c’est normal. Qu’avez-vous dit à vos joueurs dans le vestiaire ? On s’est parlé. Il y a quand même de grands joueurs qui arrêtent. Et les mecs étaient vraiment déçus. Cela se respecte. Je ne peux rien leur reprocher. On s’est tous trompés. Fabien s’est trompé, moi aussi, les joueurs se sont trompés. C’est une défaite collective et, accessoirement, Lyon ne s’est pas trompé. C’est-à-dire ? Quand tu perds, c’est que tu t’es trompé, voilà. Peut-être que c’est la chance de Lyon cette année, et que Montpellier aura les mêmes problèmes que nous. Peut-être aussi qu’on s’est trompé en voulant totalement changer le jeu toulonnais. Peut-être que ce n’était pas ça, que ce club a un ADN qu’on ne peut pas contrarier. Je ne sais pas. On va faire le point et le bilan de la saison. On a des joueurs qui arrivent, d’autres qui partent, on va se reconstruire. Mais je voudrais que les gens soient indulgents avec le staff, les joueurs, parce que cette année a vraiment été difficile. Ils ont tout donné mais cela n’a pas voulu sourire. Le point positif, c’est que le stade était plein. Je m’excuse auprès des Toulonnais, qui revenaient très fort à Mayol depuis quelques matches, de ne pas leur avoir offert cette demi-finale à Lyon. J’avais envie de l’offrir à ce public et je n’ai pas réussi. Indulgent ? Vous serez le premier ? Oui, bien sûr, il n’y aura pas de révolution…