Plan banlieue : Vuillemot monte dans les tours
Le maire de La Seyne, également président de l’association nationale Ville & Banlieue, ne décolère pas après les annonces présidentielles concernant les quartiers. Revue de coups de sang
Avec sa casquette de président de l’association des maires Ville & Banlieue de France, Marc Vuillemot était invité mardi à l’Elysée pour écouter les annonces présidentielles concernant la politique de la ville (notre édition d’hier). Se décrivant « déterminé » à faire entendre un autre point de vue, il commente, amer.
Pas vraiment surpris
«Nous, les élus, on s’attendait un peu à ce qui s’est passé», confie Marc Vuillemot en rappelant que l’Elysée avait demandé à l’association Ville & Banlieue qu’il préside de participer à la réflexion en amont. « Les indices qu’on avait, c’est qu’on a cessé de nous seriner que la politique de la ville, c’est trop coûteux, et que ça n’a servi à rien (...) On a quand même été surpris par l’importance du désengagement de l’État. On s’y attendait, mais pas à ce point-là. ».
Le point positif
Avant de dire tout le mal qu’il pense des annonces présidentielles, Marc Vuillemot isole un « point positif» : «le doublement des crédits de l’État dédiés à la rénovation urbaine (de 2,5 à 5 milliards d’euros)». Selon lui, le centre-ville de La Seyne, la vieille ville de Toulon, ainsi que les quartiers toulonnais de SainteMusse et Pontacarral doivent en bénéficier.
Les points négatifs
Toutes les annonces présidentielles sonnent négativement pour Marc Vuillemot, (à l’exception des places en crèche et de la garantie des élèves de 3e des collèges prioritaires de pouvoir avoir un stage en entreprise). «On avait fait 200 propositions et Macron n’en a retenu aucune», s’agace l’élu. Il s’étrangle d’une colère froide en notant que les idées présidentielles (police de sécurité du quotidien présente dans 30 sites sur 900 ou tentatives de régler le problème des copropriétés dégradées dans 10 quartiers sur 1500) sont avancées «à titre expérimental» «Et ce n’est même pas chiffré ! Si on impulse une politique publique à grands renforts de tralala sous les ors de la République, on annonce aussi le calendrier de l’expérimentation, son évaluation, et une date butoir pour sa généralisation ! Sinon, on n’est plus dans l’esprit de la République, qui implique l’égalité ! »
Le manque de vision républicaine
«Les politiques de la ville n’étaient pas en bout de course. Ce sont les moyens qui lui étaient dédiés qui étaient en bout de course », grince Marc Vuillemot qui, sans nier les difficultés, multiplie les exemples de réussite. Pourquoi alors Emmanuel Macron a-t-il fait ces choix ? Le maire de La Seyne réfléchit un instant avant de répondre. «Il est en manque de vision républicaine. Il est omnubilé par la performance économique. Il fait confiance à la dynamique des entreprises, mais ne réalise pas que si on ne veut pas laisser une partie de la population sur le quai, pendant que le train de l’égalité républicaine avance, ce n’est pas la logique libérale qui doit prévaloir, mais la logique solidaire »
Quelles conséquences attendre sur le terrain ?
«La situation ne peut que se dégrader », s’inquiète Marc Vuillemot, qui regrette que «la République continue à reculer». Il rappelle que la place libérée précédemment par le désengagement des politiques publiques dans les cités avait permis aux trafiquants de stupéfiants de s’installer. Aujourd’hui, « la République génère, en se désengageant, les conditions pour que ses ennemis s’installent sur son territoire. Et les ennemis de la République, c‘est très explicitement les intégristes religieux barbares. Et derrière, ça génère aussi, d’autres intégristes qui ne valent pas mieux», conclut Marc Vuillemot en regardant sur son extrême droite. «Si le monde de demain doit être uniquement en phase de régulation entre des barbus excités et dangereux appelant à nier la République et d’autres, qui profitent de la situation pour faire la même chose en stigmatisant et en coupant la solidarité, ça ne me fait pas rêver. »
« Les mâles blancs » et le « clientélisme »
Dans le discours d’Emmanuel Macron, deux formules alimentent les commentaires. Il a d’abord estimé que la question des banlieues ne pouvait être résolue par « deux mâles blancs, ne vivant pas dans ces quartiers* ». Au-delà de l’expression, c’est l’idée qu’elle porte qui a choqué Marc Vuillemot. « Elle corrobore le fait qu’il n’y a pas une approche républicaine de la question. On s’en fout de la couleur et du sexe des gens. La République n’a ni sexe, ni couleur. » Le Président a aussi heurté une partie de l’auditoire en évoquant le« clientélisme » des élus. « J’ai juste envie de dire “petit joueur politicien” », rétorque le maire de La Seyne. Je ne nie pas que dans certains endroits et à certains moments, untel ou untel puissent être tentés pour assurer certains équilibres .... Mais de là à généraliser, non. C’est même pas vrai. »
On avait fait propositions et Macron n’en a retenu aucune ”
Déterminé quand même
« On reste déterminé à continuer notre travail de gratte-culs, de poils à gratter. C’est le rôle d’une association d’élus que d’interpeller, de faire des propositions. Ça me renforce dans ma détermination à me bagarrer, à exiger de l’État, sous des formes un peu moins courtoises que je ne le fais habituellement. Et en expliquant à notre population à quelle sauce on est mangé, pour qu’elle aussi manifeste sa volonté d’harmonie et d’équilibre territorial. »