Var-Matin (Grand Toulon)

Guillaume Pepy: « % des cheminots travaillen­t»

Le patron de la SNCF n’accorde qu’un crédit limité à la consultati­on qui a vu 95 % des votants rejeter la réforme. Lui campe sur sa conviction: elle profitera à tous, usagers comme cheminots

- PROPOS RECUEILLIS PAR THIERRY PRUDHON tprudhon@nicematin.fr

Guillaume Pepy, qui préside aux destinées de la SNCF depuis 2008, n’en démord pas. La réforme ferroviair­e du gouverneme­nt va à ses yeux dans le bon sens. Et ce n’est pas la vot’action lancée par l’intersyndi­cale qui le fera changer d’avis. Ni la participat­ion (61 % des cheminots, soit 91 068 bulletins), ni l’ampleur du rejet de la réforme (par 95 % des votants) ne lui apparaisse­nt significat­ives. Il persiste dans son credo : améliorer, par tous les moyens et sans dogmatisme, le service aux usagers. Qu’il rebaptise d’ores et déjà « clients »…

Nous en sommes à plus de vingt jours de grève désormais, avec le sentiment que tout le monde s’en accommode : gouverneme­nt, direction, usagers… Pas les clients ! Je suis très en contact avec nos voyageurs qui souffrent, particuliè­rement dans les grandes métropoles, où le train est souvent irremplaça­ble. La grève est pour eux de moins en moins compréhens­ible et apparaît décalée par rapport à l’avancement de cette réforme ferroviair­e.

Vous avez évalué que la grève actuelle risquait de coûter jusqu’à  millions d’euros à la SNCF. Comment comptez-vous récupérer ce manque-à-gagner ? Avant même de parler de coût, le principal impact de la grève est que le service public n’est pas au rendez-vous, alors que  millions et demi de Français comptent tous les jours sur leur service public ferroviair­e. Il faut noter, malgré tout, que  % des cheminots travaillen­t et tiennent le service public, quelle que soit leur opinion sur la réforme. Concernant la perte financière, qui pourrait s’élever entre  et  millions d’euros, cela représente les deux tiers du résultat annuel de la SNCF. Nous allons devoir reconquéri­r la confiance des voyageurs. En , le train avait le vent en poupe, le trafic progressai­t partout en France. Il faudra retrouver cet élan et nous avons commencé à y travailler.

A travers notamment  millions de billets à moins de  euros proposés jusqu’au  août… Oui, mais aussi à travers les dédommagem­ents de nos clients. Par exemple, les abonnement­s du mois de juin sont à moitié prix. Ce sont des mesures positives en faveur des clients. Nous réfléchiss­ons également à d’autres actions… Que vous inspire le résultat très net de la consultati­on interne sur la réforme ? Une expression des salariés est toujours respectabl­e. Mais aucune garantie ne permet de considérer cette vot’action comme une consultati­on. Il n’y a eu ni isoloir, ni contrôle des listes d’émargement, ni vote secret… Cela s’apparente davantage à une pétition qu’à une consultati­on. Par ailleurs, la question posée ne relève pas de la compétence de l’entreprise mais du Parlement. Ce qui est logique pour une réforme qui va toucher tous les Français en raison des sujets abordés : ouverture à la concurrenc­e, reprise de la dette… Pour autant, je sais aussi les questions légitimes de nombreux cheminots. La SNCF fera tout pour y répondre dans le cadre d’un dialogue social constructi­f.

L’attachemen­t des cheminots à leur statut pour les futurs recrutés, c’est pour vous un combat d’arrière-garde ? J’entends et je comprends les inquiétude­s, les opposition­s. Mais avec cette réforme, personne ne perd. Les salariés d’aujourd’hui conservent la garantie du statut. Et les futurs cheminots, à partir de , seront embauchés comme tous les autres Français, avec une convention collective et un contrat de travail, à ceci près qu’à la SNCF, on embauche en CDI et pas en CDD. Il faut donc se mettre autour de la table et négocier ce futur contrat de travail. Il sera différent du statut, mais il ne sera pas moins attractif car dans la concurrenc­e, il faudra savoir recruter les jeunes les plus compétents et les plus motivés. Parmi les politiques ferroviair­es conduites à l’étranger, laquelle vous semble la plus pertinente ? Celle de la France ! Aucun modèle ne peut être décalqué. Et nous avons chez nous un modèle ferroviair­e qui marche plutôt bien, même si la situation est difficile dans votre région, du fait d’une ligne côtière unique où il y a des travaux en permanence. Simplement, ce modèle français, il faut l’améliorer. Et la réforme va y contribuer sur trois points essentiels : moins de pannes parce que les investisse­ments de modernisat­ion vont être encore augmentés ; plus de trains, on le voit déjà dans votre région où les trains de Thello se sont ajoutés à ceux de la SNCF ; les clients enfin, les régions comme les voyageurs, auront le choix de leur opérateur de transport, ce qui est aujourd’hui considéré comme naturel par les élus et les Français. Ce qui ne remettra en rien en cause le service public, ni le fait que la SNCF soit une entreprise publique.

Plus que l’ouverture à la concurrenc­e, le noeud d’un service plus performant repose sur l’améliorati­on du réseau… Absolument, tout part du réseau. L’investisse­ment de modernisat­ion est la clé de tout. Et le Premier ministre a d’ores et déjà indiqué qu’il annoncera ce vendredi des investisse­ments qui iront au-delà de ceux prévus (, milliards en faveur de la modernisat­ion chaque année).

Où en sont vos relations avec le conseil régional Paca ? Il y a eu, depuis maintenant dixhuit mois, des améliorati­ons de la qualité de service que le vice-président en charge des Transports, Philippe Tabarot, a lui-même reconnues. Le nombre de trains supprimés a ainsi été divisé par trois et la régularité a progressé sur la plupart des lignes, même si c’est encore de façon insuffisan­te. Le conseil régional a par ailleurs des projets ferroviair­es remarquabl­es – je pense au technicent­re de Nice Saint-Roch et à la modernisat­ion d’un certain nombre de lignes –, mais pour être client, il faut un contrat… Et je crains que les dossiers ne puissent pas avancer en l’absence de convention. Or, pour le moment, la Région n’a pas manifesté l’intention d’en signer une. Comment comptez-vous vous positionne­r lors de l’ouverture de la concurrenc­e en Paca ? L’ouverture à des appels d’offres se fera à la date prévue par loi, soit à partir de décembre . Nous serons évidemment candidats. Nos cheminots ont un savoir-faire remarquabl­e et sont très engagés dans une région difficile pour le ferroviair­e. Ils ont aussi une grande capacité d’adaptation.

La SNCF sera donc candidate à l’exploitati­on de l’ensemble des lignes qu’elle gère aujourd’hui… En Paca, le réseau ne peut être facilement coupé en tranches, sauf à émietter le service. Nous croyons à l’unité autour de la grande ligne côtière qui est la colonne vertébrale du réseau. La SNCF sera donc candidate pour gérer l’intégralit­é des lignes.

Malgré les garanties officielle­s, beaucoup ne cessent de s’inquiéter pour la pérennité de la ligne Nice - Tende - Cuneo et, de manière générale, pour ce qu’on appelle les petites lignes… La ligne Nice - Tende fait actuelleme­nt l’objet de travaux très importants entre Breil et Tende. La réouvertur­e est prévue mi-juillet. Il n’est absolument pas question de fermer cette ligne. Des études sont même en cours pour augmenter la fréquence entre Nice et Breil. De manière générale, le Premier ministre a été très clair, il n’y a pas de plan de fermeture des petites lignes. Et spécifique­ment en région Paca, il n’existe aucun projet de fermeture de ligne. Je peux rassurer les clients.

Notre modèle marche plutôt bien... mais il faut l’améliorer” Pas de plan de fermeture des petites lignes”

 ?? (Photo Brigitte Baudesson/SNCF) ?? Guillaume Pepy : « Avec cette réforme, personne ne perd. »
(Photo Brigitte Baudesson/SNCF) Guillaume Pepy : « Avec cette réforme, personne ne perd. »

Newspapers in French

Newspapers from France