Var-Matin (Grand Toulon)

Verdict d’apaisement au procès du bijoutier de Nice

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Quatrième et dernier jour du procès de Stephan Turk, surnommé le bijoutier de Nice. Les hourras de l’opinion publique, alors que le commerçant venait d’abattre l’un de ses braqueurs, se sont tus. Les soutiens pour l’accusé ont été rares depuis lundi. Stephan Turk, 72 ans, père de cinq enfants, grand-père de huit petits-enfants paraît bien seul à côté de ses avocats, Me Yassen et Me De Vita, à l’heure où se joue sa liberté. La peine maximale pour meurtre est de trente ans de réclusion. Il n’a jamais été détenu.

Deux heures trente de délibéré

Malgré ses contradict­ions, son français hésitant, le bijoutier a été entendu. La cour et les jurés ont estimé, hier soir, après deux heures trente de délibéré, qu’il n’avait pas eu l’intention de donner la mort quand, par trois fois, il a tiré en direction de deux malfaiteur­s qui venaient de l’agresser et de le dévaliser. C’était le 11 septembre 2013 rue d’Angleterre à Nice. L’affaire avait eu aussitôt un retentisse­ment inattendu: jusqu’à 1,6 million d’internaute­s avaient exprimé leur solidarité au vieil homme. Dans un silence de cathédrale, le président de la Cour, Patrick Veron, justifie cette décision: «Il subsiste un doute sur l’intention homicide », tant les coups de feu, - dont le second fut mortelétai­ent rapprochés.

L’accusé reste libre

La Cour et les jurés abandonnen­t la qualificat­ion de meurtre. Ils préfèrent celle de« violences volontaire­s avec arme ayant entraîné la mort sans intention de la donner». La légitime défense est écartée. La cadence des tirs n’a pas laissé le temps au passager du scooter de se retourner pour menacer à nouveau le bijoutier. D’autant qu’Antony Asli, 19 ans, avait été atteint dans le dos, sous l’omoplate, par la balle de 7.65 mortelle. Stéphane Turk est condamné à cinq ans de prison, « une peine intégralem­ent assortie du sursis». Il reste libre. Alexandra Asli, la soeur aînée du défunt, sort rapidement du palais de justice. Elle redoutait par-dessus tout un acquitteme­nt qu’elle aurait considéré comme un permis de tuer. Les trois avocats de la famille du jeune braqueur n’ont pas ménagé leurs efforts vendredi matin, pour que la vox populi ne l’emporte pas sur le code pénal. Me Mathurin Lauze entame les plaidoirie­s, l’air grave : « La famille Asli veut la justice, la vraie, pas celle de M. Turk. Ce n’est même pas la loi du talion : dans le monde de M. Turk, si tu me prends ma bourse, je te prends ta vie. »

L’avocat général en appelle à la sérénité

Me Christian Scolari rappelle pour sa part de grands principes républicai­ns : « La France, ce n’est pas armez vous les uns les autres.» Le pénaliste niçois redoute une peine de principe : «La vie d’Antony Asli aurait-elle moins de valeur pour ne valoir que quelques années avec sursis?» Avec sa faconde, il exhorte les jurés de ne pas trahir des soeurs, des frères et une mère éplorés. « Quelle affaire ! », s’exclame Me Soussi qui combat depuis presque cinq ans une affaire «d’illégitime défense» .« Comment rend-on la justice quand l’opinion publique a déjà rendu son verdict, sans enquête, sans procès ? » Loin du tumulte de la rue, l’avocat général Caroline Chassain, au nom de la défense des intérêts de la société, s’appuie sur le Droit, rien que le Droit et en appelle « à la sérénité, à l’objectivit­é ». Le magistrat de l’accusation, dans le droit fil de ses pairs qui ont analysé le dossier, écarte la légitime défense et retient la volonté de tuer. Caroline Chassain avoue aussi avoir été « saisie d’effroi» par la vidéo de l’agression projetée dès lundi aux jurés. Elle ne souhaite pas, dès lors, que M. Turk connaisse les affres de la détention. L’avocat général demande cinq ans avec sursis: «Parce que la justice c’est aussi la justesse.»

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(Photo Frantz Bouton) Stephan Turk,  ans, est sorti hier soir du palais de justice de Nice comme il y était entré lundi matin : libre.

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