Leishmaniose : surveiller pour limiter la transmission à l’homme
Autour du Pr Pierre Marty, les spécialistes internationaux des zoonoses se sont réunis pour faire le point sur ces maladies dont les agents se transmettent des animaux vertébrés à l’homme
Elles concernent environ 98 pays à travers le monde. Dues à différents parasites du genre Leishmania, transmis par la piqûre d’insectes hématophages appelés phlébotomes, les leishmanioses peuvent se présenter sous différentes formes, que l’on classe principalement en deux catégories: la leishmaniose cutanée et la leishmaniose viscérale. «Les formes cutanées, qui affectent chaque année dans le monde plusieurs centaines de milliers de personnes sont, comme leur nom l’indique, limitées à la peau et n’engagent pas le pronostic vital. Mais elles évoluent pendant des mois et peuvent être très gênantes», décrit le Pr Karim Aoun (Institut Pasteur de Tunis). Les régions les plus touchées par la leishmaniose cutanée sont aujourd’hui le Moyen-Orient et l’Extrême-Orient – «en particulier l’Afghanistan et la Syrie à cause de la guerre», l’Afrique du Nord, l’Amérique Centrale et l’Amérique du Sud. «Les leishmanioses sont des maladies environnementales; elles sont liées au climat, à l’agriculture, à l’urbanisation… En créant des lacs collinaires [lac artificiel aménagé au dévers d’une colline, afin de recueillir les eaux de ruissellement, Ndlr] ,en creusant des puits etc., on a favorisé le développement du phlébotome et des animaux réservoirs, en l’occurrence les rongeurs dans les pays du sud [en France c’est le chien qui est réservoir, Ndlr]», détaille le Pr Aoun. Aujourd’hui, ce spécialiste et ses collègues de l’Institut Pasteur de Tunis travaillent en partenariat avec le service de parasitologie de Nice (dirigé par le Pr Pierre Marty) et d’autres partenaires franco-maghrébins au développement d’un plan de surveillance destiné à limiter la transmission de la maladie à l’homme, en particulier au niveau des pays du Maghreb. «Nous menons des initiatives multidisciplinaires qui ne se limitent pas aux professionnels de santé mais impliquent désormais d’autres intervenants: agriculture, environnement, mairies, préfectures et surtout les populations concernées». Si la France, l’Italie, l’Espagne ou encore la Grèce sont beaucoup plus rarement touchés, il n’est pas exclu que l’espèce infectante de phlébotomes qui sévit dans les pays du sud ne voyage jusqu’à eux. «Grâce au plan de surveillance, nous pourrons détecter d’éventuelles installations du vecteur de la maladie dans ces pays. » C’est un fait : au contraire de maladies infectieuses comme le paludisme, la tuberculose ou le sida, les leishmanioses «intéressent» peu les laboratoires. Avec pour conséquence la quasi-absence de réponses thérapeutiques. Du moins jusqu’à récemment. «Depuis peu, les pays du sud, grâce à la mobilisation de l’OMS disposent enfin de médicaments plus efficaces, et moins toxiques, contre la forme la plus grave, la leishmaniose viscérale.» Heureusement rare, cette forme de leishmaniose touche tous les organes, le sang, la rate, la moelle osseuse, le foie… «Le parasite se dissémine partout… En absence de traitement, la maladie est souvent fatale. » Les régions les plus touchées dans le monde par la leishmaniose viscérale sont le sous-continent indien, l’Afrique de l’Est et l’Amérique du Sud. «Dans le monde, environ 25000 nouveaux cas sont répertoriés chaque année, les pays les plus frappés par cette maladie étant l’Inde, le Soudan, l’Éthiopie
Un vaccin serait la solution optimale
et le Brésil. » Moins connue, la leishmaniose cutanéo-muqueuse, spécificité sud américaine, induit des lésions des muqueuses, en particulier au niveau de la sphère ORL (gorge…). « La lutte contre la leishmaniose est complexe et difficile, reconnaît le Pr Aoun. Un vaccin serait certainement la solution optimale au problème. » Plusieurs équipes de recherche dont certaines à l’Institut Pasteur de Tunis avancent aujourd’hui sur cette piste.