Var-Matin (Grand Toulon)

Adieu et merci

Sa vie n’a été que combats. Dans la Résistance, puis au refuge qu’elle avait fondé pour recueillir les animaux martyrisés. Simonne Peyre s’est éteinte, à 95 ans, dans sa maison du Thoronet

- ANNE DUJARDIN adujardin@nicematin.fr

C’est avec une immense peine et le coeur plein de larmes que nous vous annonçons le décès de Maman Simonne le 2 juin 2018, à l’âge de 95 ans. Elle s’est éteinte dans la nuit – entourée de l’amour de ses bêtes – sereine et paisible, sans souffrance.» C’est par une lettre envoyée à la rédaction de Brignoles que nous avons appris le décès de Simonne Peyre. Une nouvelle à peine croyable tant la nonagénair­e était habituée à franchir tous les obstacles. Cet ultime combat contre le cancer, elle le savait perdu d’avance mais s’est battue jusqu’au bout, avec la force que tous ceux qui l’ont rencontrée lui connaissai­ent.

Un exemple de bravoure

Résistance. Un mot qu’elle a incarné dès son plus jeune âge. « Pour venger mon papa dénoncé, torturé jusqu’à en mourir, je me suis engagée dans la Résistance alors que je n’avais pas 20 ans, racontaite­lle. Vous auriez fait pareil. » Pas sûr. Mais celle qui ne cessait de désespérer de la lâcheté humaine n’avait pas conscience d’être un exemple de bravoure. Rien ne la découragea­it. En 1941, elle rejoint un groupe clandestin du Loir-et-Cher. Le réseau est dénoncé « et il n’est resté que deux survivants, dont moi. » Mais à l’époque déjà, impossible de contrer la rage de vaincre la jeune femme. Elle continue ses activités de sabotage contre des convois transporta­nt des tanks et des soldats allemands, cache un couple de juifs... A la Libération elle est en première ligne des Forces françaises libres aux côtés du maréchal de Lattre de Tassigny. Dans les années cinquante, celle que l’on surnommait Monette, descend à Nice et enchaîne les activités « épicerie fine, restaurant, imprimerie, ambulances... » Arrivée, dans le Var, à Saint-Raphaël, elle se lance dans la lutte pour la cause animale. Et ne l’abandonner­a jamais. Elle devient d’abord représenta­nte de la brigade de défense des animaux avant de s’installer au Thoronet pour y fonder le Relais des bêtes martyres.

« Maman Simonne »

Des chiens à qui on a coupé la langue, des chevaux mutilés, des bêtes ayant échappé de peu au supplice de la machine à laver... L’imaginatio­n de certains en matière de torture n’a aucune limite. «Iln’yaplusde respect de rien, j’ai honte. Comment peut-on faire ça? Je me demande où va le monde » ,se lamentait il y a quelques mois encore celle qui pour beaucoup était devenue « Maman Simonne ». Ces dernières années, usée par la maladie, la nonagénair­e à la gouaille incomparab­le ne quittait plus guère son fauteuil. Une aubaine pour ses nombreux chats qui avaient élu domicile sur ses genoux. Malgré sa faiblesse, elle gardait une hargne inébranlab­le, décrochant sans cesse son téléphone pour dénoncer les injustices qui la faisaient frémir. Lançant des opérations de sauvetages. Demandant avec force conviction que les bourreaux d’animaux soient poursuivis. Épuisée, elle a utilisé les forces qui lui restaient pour préparer sa succession et ainsi partir en paix. Elle s’est éteinte dans sa maison du Thoronet, comme elle le voulait. Preuve, s’il en fallait encore une après cette vie de combats, que personne ne pouvait se mettre en travers du chemin de Simonne.

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(Photo Hélène Dos Santos)

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