Massilia Sound System à La Seyne, vendredi
Massilia Sound System, c’est d’abord de bons morceaux de musique en français et en occitan, qui mettent le «oai», avec pastis obligatoire aux concerts. Mais tout ça, c’est aussi parce que leurs chants portent la révolte, à la manière du reggae. Même si Tatou, alias Moussu T, membre historique du groupe, se défend de faire de la politique, il lâche son libre penser à titre personnel, avant leur concert, à La Seyne.
On a vu Marseille en boucle à la télé dernièrement, concernant cette fusillade aux kalachnikovs en plein jour, pour une rivalité entre dealers. Ça vous a fait réagir ? Non, parce que je me tiens à l’abri, j’essaye de pas regarder ces conneries, de façon générale. Après que l’image de Marseille soit toujours une espèce de fantasme pour le pouvoir français, c’est pas nouveau. De toute façon, ça montre à la fois le peu de cas qu’ils font de nous, le mépris dans lequel ils nous tiennent, et leur incapacité à faire quoi que ce soit.
Certains disent qu’il faudrait dépénaliser le cannabis. Vous êtes forcément pour ! Oui, pourquoi pas, oui. Après, les racines du problème ne sont pas là. Si j’habitais le quartier où ça s’est passé, je dirais que le problème est prioritaire, ça, je suis d’accord. Encore une fois, si c’est pour juste pointer du doigt ces quartiers où l’Etat n’a plus de machin... (il parodie, ndlr). L’autre (Emmanuel Macron, ndlr) nous a sorti tout un délire sur les banlieues. C’est un peu normal qu’il se passe des choses comme ça, en même temps, non ? Je pense que c’est le résultat d’une espèce de politique d’apartheid. Partout derrière ça, je vois le mépris.
Vous êtes dans la décentralisation, dans le choix même de votre maison de disque, loin des majors. C’est une façon d’être libre ? C’est une façon d’exister, puisque de toute façon, on nous laisse pas le choix. Notre seule façon d’exister, c’est de faire avec ce qu’il y a autour de nous, de mobiliser les énergies. C’est ce qu’on a fait, on a signé avec une maison de disque ciotadenne, par exemple, avec un tourneur qui est d’ici aussi. Christian Philibert (), c’est exactement pareil, quelqu’un qui se heurte aux mêmes difficultés que nous finalement, à ce que c’est de vouloir porter au monde notre propre regard. Je pense que c’est ça qu’on voudrait nous empêcher de faire. Heureusement, on voit qu’en se bougeant, on arrive à contourner tout ça, même si c’est pas normal. Il n’y a pas de raison qu’on soit des citoyens de seconde zone, portant une culture de seconde zone et même chantant dans une langue de seconde zone. Et quand je dis seconde, je suis cool.
On retrouve ce message dans vos chansons. Alors, si je vous dis : Le gouvernement ? Malheureusement une chanson d’actualité, même si elle date. On voit que le temps passe, mais que les choses font semblant de changer.
En concert, cette chanson déclenche toujours la même réaction du public, qui crie enc... Oui, c’est normal. Je pense que des fois, on devrait réagir plus souvent comme ça tous ensemble. On voit des trucs qui sont impensables.
Quoi en particulier ? Je pense à tout, la manière dont on traite les travailleurs en lutte, les étudiants, la manière dont en envoie des chars contre des types qui occupent un endroit, la manière dont on vient d’arracher la main d’un pauvre mec...
Après ans, qu’est-ce qu’il vous reste encore à faire ? Voir le centralisme se détruire, se démonter devant nos yeux (rires). Mais on n’est pas pessimistes, parce qu’on voit que dès qu’on donne un espace de liberté aux gens, ils savent très bien s’en servir. 1. Réalisateur varois, auteur de Massilia sound system, le film (ed. Les films d’Espigoule), sorti en dvd.