Var-Matin (Grand Toulon)

Alesi un pilote hors père

Aujourd’hui consultant pour la télévision et capitaine de l’équipe de France FFSA, le vainqueur du GP du Canada 95 suit aussi attentivem­ent la carrière de son fils. Tout en le laissant grandir

- ENTRETIEN RÉALISÉ PAR LAURENT SEGUIN

‘‘ Déjà, petit, c’était « tiens, papa, fais-moi un dérapage, tiens, papa, essaye d’aller à... »”

Vingt-neuf ans après ses grands débuts en F1 sur ce circuit PaulRicard qui a, comme il se plaît à le rappeler, « lancé sa carrière », Jean Alesi assistait hier aux essais libres de la GP3. Une catégorie dans laquelle son fils Giuliano est engagé au sein de l’écurie Trident, aux côtés d’un certain Pedro Piquet. Alors est-il plus facile de devenir pilote quand on s’appelle Alesi ou Piquet ? Réponses avec un papa comblé, mais aussi exigeant.

Jean, ce doit être spécial de voir Giuliano courir ici, sur ce circuit qui occupe forcément une place un peu à part ? Oui, c’est ici que ma vie de pilote a démarré puisque j’ai fait le Grand Prix de France en  avec l’idée au départ de faire juste une course. Une course que j’ai terminée à la e place et qui a finalement lancé ma carrière. Mais Giuliano est dans une catégorie qui n’est pas la F. Il ne faut pas être distrait. Il faut qu’il soit concentré sur le GP, et c’est aussi mon rôle de lui rappeler cette exigence. De ne jamais parler de quoi que ce soit d’autre.

Il doit prendre course après course ? Un peu à la

manière des footballeu­rs qui disent prendre match après match ? C’est exactement ça ! On le voit en ce moment avec l’équipe d’Argentine (battue - par la Croatie, jeudi en coupe du monde, Ndlr). C’est une équipe qui a pourtant des individual­ités extraordin­aires. Mais si ça ne travaille pas en équipe, s’il n’y a pas une concentrat­ion, ça ne marche pas.

Pour rester sur le continent sud-américain, qu’est ce que ça vous fait de voir Giuliano au sein de la même écurie que le jeune Brésilien Pedro Piquet, fils de Nelson, avec lequel

vous avez couru en F ? Alors ça, c’est fabuleux ! Et c’est un concours de circonstan­ces, parce que le petit de Nelson a couru dans d’autres catégories, et aujourd’hui ils sont réunis avec Giuliano. Non seulement dans la même catégorie, mais aussi dans la même écurie.

Qu’est ce que vous répondez aux personnes qui vous disent que c’est plus facile quand on porte le nom Alesi ou Piquet ? Qu’ils ont raison ! Oui, c’est beaucoup plus facile pour moi de parler à Adrian Newey (directeur technique de l’écurie Red Bull, Ndlr)

que Monsieur Aubry

(le papa du français Gabriel Aubry, aussi engagé en GP, Ndlr). Mais ça n’est que de la présentati­on. Après, il y a l’action. Et l’action, c’est le fils qui le fait. Alors je peux bien parler avec le monde entier, si après, lui ne performe pas, ça ne sert à rien. Plus que les autres, il a besoin de résultats décisifs.

Des résultats pour envisager piloter

une Ferrari ? Même si vous ne souhaitez surtout pas brûler les étapes, une petite voix au fond de vous doit avoir envie de le voir porter ces couleurs qui vous sont si chères… Les couleurs, il les a (Giuliano fait partie de l’Académie Ferrari, Ndlr). Maintenant, c’est au mérite que ça va se jouer. Il faut qu’il mérite de monter d’un niveau, et aujourd’hui, pour lui, ça serait de passer en Formule . Après trois saisons en GP, ça serait la suite logique. Justement, ces trois saisons vous ont-elles permis de mieux gérer votre inquiétude de papa qu’à ses débuts en monoplace ? Alors non ! Elle est même plus importante qu’à ses débuts. Car il y a eu des sacrifices au niveau scolaire pour arriver à ce profession­nalisme, et si on se rend compte que ça ne se passe pas aussi bien que prévu, il faudra qu’il change de voie. Je me sentirai responsabl­e de ça. Vous pensez qu’il avait de toute façon ça dans le sang ? Que ce destin était inévitable ? C’est sûr qu’il a grandi dans la course automobile. Petit, c’était « tiens, papa, fais-moi un dérapage, tiens, papa, essaye d’aller à… » Bon (il s’arrête là en souriant). Il a évolué dans un environnem­ent tourné autour de la vitesse. Alors il y a le talent, mais aussi le travail. Le talent est une chose, le travail en est une autre.

 ??  ?? Entouré de son papa Jean et de son ingénieur, Giuliano Alesi partira aujourd’hui en troisième position de la première des deux courses de la Formule GP prévues ce week-end.
Entouré de son papa Jean et de son ingénieur, Giuliano Alesi partira aujourd’hui en troisième position de la première des deux courses de la Formule GP prévues ce week-end.

Newspapers in French

Newspapers from France