Alain Moussu, fondateur de la Ligue de protection des oiseaux
Alain Moussu, vétérinaire, est aussi un défenseur de la biodiversité à travers le monde. En 2004, il a créé la LPO Paca dont le siège est à Hyères
Qui possède un animal de compagnie connaît peut-être le Dr Alain Moussu, dont le cabinet vétérinaire a pignon sur l’avenue du XVe Corps, à Hyères, depuis 2004. Mais qui tente de sauver un animal sauvage a forcément croisé son regard fixe puisque la plupart des oiseaux blessés (mais pas seulement) finissent entre ses mains expertes. Un spécialiste de tout ce qui vole ? « Ne dites surtout pas ça car le terme spécialiste m’attirerait des reproches du conseil de l’ordre. Je ne cache pas ma curiosité, mon intérêt pour les oiseaux, mais sans diplôme spécifique pour le certifier. » « Depuis tout gosse », Alain Moussu voulait devenir véto. De l’influence de Daktari, Skippy le kangourou, Flipper le dauphin et des reportages animaliers sur ce qui deviendrait une vocation. « De la baleine à la fourmi, tout m’intéressait. Je creusais un bloc de terre, j’étalais et je regardais tout ce qui bougeait, une vingtaine d’espèces sur quelque cm2. » Pour les gendarmes et les voleurs, il faudra repasser.
“Redevenir nomade”
Aimer les animaux, soit. Mais encore faut-il supporter la vue du sang et de la chair atrophiée. « L’appréhension est passée très vite. Je ne suis tombé qu’une fois dans les pommes, à l’école nationale de vétérinaires de Maison-Alfort, devant un lévrier en fin de vie qui présentait des lésions cancéreuses sur la peau. » « Mes clients me demandent souvent comment je gère la souffrance, le sang, la mort et l’euthanasie, embraye-t-il, pas du genre à esquiver ses responsabilités. Je réponds que quand nous pratiquons l’euthanasie, et j’en pratique tous les jours, c’est que la maladie l’a déjà décidé. Jamais je ne pratique l’euthanasie de convenance. Chaque jour, je fais la balance des animaux que j’ai sauvés et euthanasiés, en présence ou pas de leur maître, selon leur volonté. J’y vois un acte de respect quand il agit en délivrance d’une longue souffrance ». Alain Moussu a d’abord exercé comme vétérinaire salarié à Nice, de 1987 à 1990. Un beau jour, il emballe ses affaires dans un sac à dos pour un voyage initiatique en Inde qui devait durer six mois. Il se prolongera pendant trois ans, au Népal, en Thaïlande, Indonésie, Malaisie et Australie. Ce qu’il y a fait ? « Observer la faune, rencontrer des gens sans contrainte, avec un budget minimal, dans des forêts intègres. Il n’y a pas une journée où je n’y pense pas. C’était les années 1980, cette vie correspondait à ce que j’avais dans le ventre depuis toujours, redevenir nomade, ce que je fais aujourd’hui encore de manière régulière. » Le Dr Moussu est actuellement en Équateur où il contracte avec des ONG faisant des acquisitions foncières de forêt. « Je couple mes voyages avec une action militante. Il n’est pas possible d’assister à la déforestation en fermant les yeux. »
Feralis et Univet, des fonds pour la nature
Il a, en effet, fondé le fonds de dotation Feralis en 2017, qui intervient en faveur de la protection des espèces et des habitats naturels dans des écosystèmes encore sauvegardés. Le fonds soutient la mise en place de projets innovants de génie écologique et concertés avec les acteurs locaux. Devant la perte de biodiversité liée à des causes anthropiques, la volonté de Feralis est simple : protéger des habitats naturels encore de très bonne qualité écologique dans les derniers sanctuaires sauvages (Madagascar, Bornéo). Engagé, Alain Moussu l’est aussi à travers la création de la Ligue de Protection des Oiseaux Paca en 1998, dont il a fixé le siège à Hyères. Hyères car les Salins étaient et demeurent un enjeu important de protection. Parce qu’un parc national et un conservatoire y sont implantés. « C’est un lieu à forte valeur patrimoniale pour la nature, dont le seul équivalent dans le sud est la Camargue. Je suis tombé amoureux de la ville et de son environnement préservé. J’ai achevé d’être convaincu par le Hyérois Daniel Barbaroux, avec qui j’ai de très proches relations. » Créée à l’origine en 1912 pour protéger les macareux moines, ces petits pingouins qui subissaient des attaques en Bretagne, la LPO a repris, en Région Paca, l’action de l’ARPON (Association régionale de la protection des oiseaux et de la nature) dont Alain Moussu fut aussi le président en 1996. Au niveau national, la LPO réunit aujourd’hui 46000 membres, 5000 bénévoles et 400 salariés dans 79 départements. Alain Moussu, lui, vient de lancer Univet, un nouveau fonds de dotation qui vise à fédérer les vétérinaires et leurs partenaires pour la protection des animaux sauvages.
Celui qui lutte en créant une association ne peut pas être taxé de pessimisme. En revanche, ne pas regarder la réalité en face sur les torts faits à la faune et la flore, c’est un déni criminel ” Alain Moussu, président de Feralis