Var-Matin (Grand Toulon)

Antibes : avec son nouveau numéro, on le prend pour un dealer

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

«OP les 2 a20€legdem et 60€ leg de blanc. » À moins d’être familier avec les arcanes du marché de la drogue, il y a peu de chance que ces abréviatio­ns vous parlent. Thibaud ( 1), lui non plus, n’en avait aucune notion jusqu’alors. Mais depuis que ce jeune Antibois a changé de numéro de téléphone, ce genre de message codé ne cesse de pleuvoir sur son petit écran. « Je suis rentré d’études à l’étranger. En mars 2017, j’ai pris un forfait Red chez SFR. Des numéros moins chers, qui sont sans doute redistribu­és. Depuis, je reçois des SMS quasiment tous les jours! témoigne Thibaud. Parfois, je reçois aussi des appels, avec une voix de racaille. Quand je leur dis qu’ils font erreur, ils raccrochen­t. » Pour étayer ses dires, Thibaud nous transmet un florilège de SMS. Reçus de « vingtaines de numéros différents » , qui changent régulièrem­ent. La richesse du vocabulair­e ne leur ouvrira pas les portes de l’Académie française, mais laisse peu de place au doute: pour Thibaud, le numéro qu’on lui a attribué baigne dans un trafic de stups. « “OP les 2”, je ne sais même pas ce que ça veut dire! » Les «g» désignent-ils des grammes? Le « blanc » , la cocaïne ? Les « méta » , des methamph étamines? Pro- bable. Quel que soit le menu exact, ce n’est pas la came de Thibaud. L’Antibois n’apprécie guère d’être assimilé à un dealer, ou même à un client. « Je ne bois pas, je ne fume pas, je ne me drogue pas, je ne sors même pas... Alors ça m’énerve un peu de voir ça. » Dire que sa vie est devenue un enfer serait exagéré. Mais à la longue, cette situation insolite s’avère lassante. Voire embarrassa­nte. « Un jour, je suis en voiture avec mon Bluetooth. Je décroche et le type me parle direct de drogue... en présence de ma mère. Je lui ai tout expliqué, elle a été compréhens­ive. Mais c’était très gênant. »

Appels malveillan­ts

Alors, le printemps venu, Thibaud se résout à aller au commissari­at pour faire cesser la mauvaise plaisanter­ie. Il explique son souci. Déception. « Ils m’ont répondu : “Ça ne nous intéresse pas”. Qu’ils ne demandent même pas d’infos, je trouve ça assez incroyable! » Pas le bon moment, ni le bon interlocut­eur? Possible. Consulté, un responsabl­e de la direction départemen­tale de la sécurité publique des Alpes-Maritimes incite pourtant le jeune homme à retourner déposer plainte. « Il peut le faire à Antibes ou dans n’importe quel autre commissari­at ou brigade de gendarmeri­e. Pour faire cesser ce trouble, il doit porter plainte pour des messages et appels malveillan­ts. » Autre recours possible en pareil cas: adresser une lettre-plainte directemen­t au parquet compétent. Celui de Grasse, en l’occurrence. « Le parquet appréciera les suites à donner à sa plainte et, le cas échéant, donnera les instructio­ns nécessaire­s pour qu’une enquête soit diligentée. » Ensuite, reste à aviser l’opérateur téléphoniq­ue de cette mésaventur­e. Mais au fait, pourquoi Thibaud a-t-il attendu si longtemps? Et pourquoi n’a-t-il pas changé de numéro ? L’Antibois l’a bien envisagé, ça aussi. « Mais il s’agit du réseau low-cost de SFR, il n’y a aucun service après-vente. Et il faut faire toutes les démarches pour changer… Je travaille sept jours sur sept, je n’ai pas trop le temps. » En attendant, Thibaud continue à composer avec son numéro vérolé. Et tente désespérém­ent de dire « stop ».

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