Migrants: Paris et Berlin veulent avancer sans attendre de consensus
Lors d’une réunion à seize, France et Allemagne ont plaidé hier pour une approche pragmatique, sur la base du volontariat. L’Italie favorable aux sanctions contre les pays refusant d’accueillir des réfugiés
Emmanuel Macron et Angela Merkel ont appelé hier, lors d’un mini-sommet de crise à Bruxelles (boycotté par les pays du groupe de Visegrad: Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie), à des accords entre plusieurs États membres face au défi migratoire, pour dépasser l’absence de consensus qui n’en finit pas de paralyser l’UE sur ce dossier. Les dirigeants français et allemand ont retrouvé leurs homologues de 14 pays européens pour cette « réunion informelle » , organisée dans un climat de fortes tensions, encore illustrées par le bras de fer autour d’un navire transportant des migrants, le Lifeline, à qui l’Italie et Malte refusent l’accostage. Le président français, cible de la colère de Rome après sa proposition de centres fermés pour les migrants dans les pays d’arrivée, a réclamé hier des mesures respectant « les valeurs de l’Europe » , citant « les droits de l’homme » , ainsi que le respect et « la solidarité » entre États membres.
L’Italie veut « dépasser » Dublin
La « solution européenne » défendue par M. Macron « se construira uniquement sur la coopération entre les États membres de l’UE, que ce soit une coopération à 28 ou entre plusieurs États qui décident d’avancer ensemble » . La chancelière allemande Angela Merkel a plaidé dans le même sens. Le sommet à 28, prévu les 28-29 juin à Bruxelles, « n’apportera pas encore de solution globale au problème des migrations, et c’est pourquoi il faut aussi des accords bilatéraux ou trilatéraux dans l’intérêt mutuel » , a-t-elle expliqué. Les deux dirigeants ont notamment mis l’accent sur la nécessité de résoudre le problème des « mouvements secondaires » , c’est-à-dire des demandeurs d’asile qui se déplacent dans l’UE, au lieu de rester dans le pays par lequel ils sont entrés dans l’attente d’une décision sur leur cas. « Je viens présenter une proposition italienne complètement neuve, basée sur de nouveaux paradigmes » , a annoncé de son côté le Premier ministre du gouvernement populiste italien, Giuseppe Conte. Selon un document ayant fuité, Rome appelle notamment à « dépasser » le principe du Règlement de Dublin, qui confie aux pays de pre- mière entrée dans l’UE la responsabilité des demandes d’asile, et dont la réforme est au point mort depuis plus de deux ans, en raison notamment de l’opposition frontale des pays de Visegrad, opposés à toute mesure d’accueil obligatoire. L’Italie demande par ailleurs dans son texte des sanctions financières contre les pays n’accueillant pas de réfugiés, comme l’a également souhaité M. Macron la veille.
« La France n’a de leçon à recevoir de personne »
Le ton était pourtant une nouvelle fois monté samedi quand le gouvernement italien avait fustigé l’ « arrogance » d’Emma- nuel Macron, après sa proposition de « centres fermés » pour les migrants dans les pays de première arrivée, où les migrants attendraient l’examen de leur cas sans possibilité de se déplacer vers d’autres pays. « Macron fait de son pays un candidat pour devenir l’ennemi public numéro un de l’Italie » ,a aussi réagi le ministre Luigi di Maio, chef de file du Mouvement Cinq Étoiles (M5S, antisystème). Paris « n’a de leçon à recevoir de personne » , a répliqué hier depuis Bruxelles le président français, faisant valoir que la France avait reçu davantage de demandes d’asile depuis le début de l’année que l’Italie.