Les professionnels du yachting en ordre de bataille
Mise à mal par des dispositions sociales et fiscales européennes désavantageuses pour la France face à la concurrence, la profession se mobilise pour sauver la saison, soutenue par la Région
Si l’industrie du yachting professionnel génère en France une activité d’environ deux milliards d’euros par an, en Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur, elle représente près de 900 millions d’euros de chiffre d’affaires et fait travailler, directement et indirectement, six mille personnes. Or, ces dernières années, une partie de cette activité a été bien mise à mal en raison d’une série de dispositions sociales, douanières et fiscales européennes désavantageuses pour la France.
Perte estimée à millions d’euros
Les professionnels de la région ont même évalué leurs pertes à 200 millions d’euros rien que pour le début de l’année 2018, « l’équivalent de quatre Grand Prix de Formule1 », se plaît à comparer Laurent Falaize, le président de Riviera Yachting Network, une organisation qui regroupe les principaux acteurs de la filière en Méditerranée, de Marseille à Menton, soit près d’une centaine d’entreprises spécialisées dans le refit, la maintenance et les services à la grande plaisance (2500 emplois environ) et sept chantiers navals.
Contraintes inéquitables d’un État à l’autre
Pourtant, malgré ce poids économique incontestable, la profession a dû se mobiliser et pousser un cri d’alarme avant d’être entendue. Le président de la Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur et député européen Renaud Muselier est luimême monté au créneau pour demander récemment par courrier au Premier Ministre de lâcher un peu de lest sous forme de moratoire afin de sauver la saison qui démarre pour ces professionnels. En clair, coincés entre des concurrents anglo-saxons qui détiennent la quasi-totalité du marché et des voisins, Italiens et Maltais notamment, qui appliquent les textes européens de façon aléatoire, les Français tentent de jouer des coudes. « Les contraintes réglementaires d’un État à l’autre sont trop inéquitables. Elles risquent de désavantager durablement la France », s’inquiète Laurent Falaize. Ainsi, en matière de protection sociale, depuis juillet 2017, les marins Français et résidents en France depuis trois mois consécutifs et embarqués sous pavillon étranger avaient l’obligation de cotiser auprès de l’Enim, l’établissement public administratif gérant le régime spécial de sécurité so- ciale des marins. Or les conséquences ont été immédiates. Cette obligation a été un frein à l’embauche pour ces marins. Certains voisins comme Malte offrant des charges sociales moins élevées notamment.
Travaux retardés
« Pas mal de gens ont retardé leurs travaux de refit et de maintenance entre novembre et décembre car la durée est supérieure à trois mois pour ne les lancer qu’au mois de janvier, confie Denis Pellegrino, le président de la société IMS à SaintMandrier, l’une des plus grosses entreprises de réparation et de refit de la région. La question de l’Enim nous a fait perdre sept à huit bateaux qui sont partis faire leurs travaux en Italie, soit dix pour cent de notre chiffre d’affaires en moins. » Et jusqu’à 50 % de perte pour d’autres professionnels de la région. Heureusement, sous la pression des organisations professionnelles représentant les chantiers et sous-traitants liés au refit et à la réparation de yachts (Riviera Yachting Network) et des équipages (GEPY et PYA), l’État a consenti à modifier le cadre des obligations faites en matière de protection sociale aux marins résidents en France. D’une part, la durée est passée à six mois et non plus trois avec la possibilité de passer par l’Enim ou une assurance privée proposant des garanties équivalentes et, d’autre part, en excluant l’activité de chantier pour les yachts pour juguler leur départ massif vers la concurrence étrangère. Et de nouvelles améliorations sont encore annoncées.
Concurrence italienne sur le prix du fioul
Par ailleurs, l’urgence pour cet été était de rétablir une concurrence loyale avec l’Italie concernant l’exonération des droits d’accise sur les produits pétroliers qui in-
cite de nombreux yachts à aller « refiouler » chez ce voisin. En septembre, une plainte a même été déposée par les organisations françaises auprès de la Commission européenne. Celle-ci leur ayant donné raison depuis, laissant toutefois deux mois aux autorités italiennes pour agir. D’où la demande de moratoire de quatre mois par le président de la Région auprès du gouvernement dans un courrier en date du 11 juin dernier, pour « placer l’activité du yachting en France dans une situation de concurrence fiscale équitable », durant cette période estivale cruciale pour les professionnels. Autant de mesures qui, les professionnels et les groupements d’équipages l’espèrent, stopperont l’exode des yachts vers les côtes voisines. A eux maintenant de faire passer le message auprès des armateurs et brokers concernés.
« Les contraintes réglementaires risquent de désavantager durablement la France. »