Var-Matin (Grand Toulon)

L’Europe en péril

- de DENIS JEAMBAR Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

S’il avait voulu souder les Italiens autour de leur nouveau gouverneme­nt populiste et d’extrême droite, Emmanuel Macron ne s’y serait sans doute pas pris autrement. Dénoncer le refus de Rome d’accueillir l’Aquarius et ses migrants, tout en refusant que ce bateau accoste dans un port français, ne lui a pas fait que des amis dans la péninsule. Le chef de l’Etat était-il vraiment obligé de délivrer une leçon de morale à nos voisins ? En repoussant ce navire humanitair­e, il s’est certes mis à l’abri de critiques virulentes de la droite et de l’extrême droite mais il a étalé aussi au grand jour la totale désunion des pays de l’UE sur cette question. Le sommet sur les migrations organisé en urgence ce dimanche à Bruxelles à la demande de l’Allemagne avec le soutien de la France a, d’ailleurs, aggravé ce sentiment de délitement. Seize pays y étaient présents mais les pays d’Europe orientale et les Etats baltes n’avaient pas répondu à l’appel. Certes, ce sommet s’est terminé, comme à l’habitude, sur de bonnes paroles et un optimisme de façade mais, sur le fond, rien n’est réglé. Une fracture profonde traverse désormais l’Union européenne : d’un côté des Etats qui ont décidé de fermer leurs frontières à double tour, de s’asseoir sur les demandes de Bruxelles et qui, en outre, portent de plus en plus atteinte aux libertés fondamenta­les indissocia­bles du projet européen; de l’autre, des nations encore ouvertes, notamment la France et l’Allemagne, mais tiraillées également par la question migratoire et, sans que leurs dirigeants ne le disent ouvertemen­t, par la montée de l’islamisme. Un conseil européen doit rouvrir le dossier les  et  juin prochain. Il n’est pas sûr cependant, tant les tensions grandissen­t, qu’il accouche d’une solution ou d’un compromis qui ne soit pas boiteux. Des mesures, bien sûr, ont déjà été prises mais elles s’avèrent insuffisan­tes car elles laissent trop souvent seuls en première ligne des pays comme l’Italie. L’accord sera d’autant plus difficile à élaborer que chaque pays est déstabilis­é par cette question. Pour Emmanuel Macron, il s’agit de contenir l’extrême droite par une politique de fermeté. En Allemagne, une crise sur la question migratoire menace même entre les alliés traditionn­els de droite, la CDU d’Angela Merkel et la CSU de son ministre de l’Intérieur, Horst Seehofer. Le poison est en vérité à l’oeuvre partout et le chacun pour soi semble de plus en plus gagner du terrain dans une Union désormais en danger.

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