Laurent Wauquiez: «Macron est dans l’aveuglement»
Dans les Alpes-Maritimes pour le Conseil national de LR sur l’Europe, le patron des Républicains dénonce la naïveté du chef de l’Etat sur les migrants et prône une Europe concrète des projets
Avant le Conseil national des Républicains sur l’Europe qui se tiendra aujourd’hui à Menton, Laurent Wauquiez était, dès hier, dans les Alpes-Maritimes. A son programme, rencontre avec les policiers du poste frontière, déjeuner avec des élus locaux et dépôt de gerbe sur la tombe de Charles Pasqua à Grasse, brève entrevue en mairie de Nice avec Christian Estrosi et… interview à Nice-Matin.
L’éviction de Virginie Calmels a entaché votre volonté affichée de rassembler… Prenez mon équipe dans les Alpes-Maritimes : vous y trouvez Eric Ciotti, Jean Leonetti et Michèle Tabarot. Trois personnalités fortes, avec des convictions différentes, mais qui sont toutes habitées par le souci de travailler ensemble. La diversité des sensibilités ne peut pas être la division et je ne laisserai plus les petits parcours personnels nous affaiblir. Il y a un chef, il y a un cap, et il faut que ce soit clair. Quand on est dans une équipe, on n’a pas un pied dedans et un pied dehors. Virginie Calmels ne l’avait pas compris.
Jeudi, Eric Ciotti s’est dit « plus proche d’Orbán que de Macron » sur la question migratoire. C’est votre position aussi ? Le président de la République a expliqué qu’il n’y avait pas de crise migratoire en Europe. Moi, je me suis rendu à la frontière à Menton et j’ai pu y discuter avec les policiers qui, chaque semaine, font face à l’arrivée de cinq cents à mille clandestins. L’Afrique va doubler sa population d’ici à . Qui peut croire que la crise migratoire est une parenthèse qu’on va refermer ? Emmanuel Macron se demande comment répartir les migrants en Europe. Moi, je me demande comment les empêcher de rentrer et comment obliger les pays africains, qu’on finance par le biais de l’aide au développement, à reprendre leurs ressortissants entrés illégalement chez nous. Le chef de l’Etat pratique une fausse générosité qui aboutit à un appel d’air pour les migrants. Les centres européens d’accueil de migrants proposés par Emmanuel Macron sont une folie. Ma famille politique s’opposera toujours à ce qu’un centre d’accueil pour migrants soit créé dans les Alpes-Maritimes. Je ne veux pas voir en France des centres d’accueil de réfugiés qui ne feront qu’aggraver la situation. Emmanuel Macron est dans l’aveuglement et la naïveté, là où on a besoin de fermeté et de courage. Il a mis le doigt dans un engrenage catastrophique. C’est pourquoi je demande solennellement que soit pris l’engagement de ne construire aucun centre d’accueil sur le territoire français [le chef de l’Etat a indiqué que “la France n’ouvrira pas de centres d’accueil pour les migrants car elle n’est pas un pays de première arrivée”, ndlr].
Que proposez-vous, alors ? J’ai fait trois propositions. Un, les bateaux qui arrêtent les migrants doivent les reconduire sur la côte libyenne au lieu de les amener chez nous. Deux, les centres de réfugiés doivent être installés de l’autre côté de la Méditerranée, parce qu’on sait très bien qu’une fois que les migrants sont dans notre pays, ils ne repartent plus. Trois, il faut conditionner notre aide au développement au fait que les pays aidés s’engagent à reprendre leurs habitants quand ils sont venus clandestinement. Un exemple : l’aide au Mali se chiffre à plusieurs centaines de millions d’euros, mais ce pays n’a même pas accepté cette année de reprendre dix de ses ressortissants arrivés de façon illégale.
Plus généralement, que vous inspire l’accord européen intervenu à Bruxelles ? C’est un accord en trompe-l’oeil, qui est juste destiné à faire croire que l’on s’est entendu, alors qu’en réalité rien ne changera. Les centres éventuels de débarquement côté africain relèvent ainsi du flou le plus total. C’est tout ce que je n’aime pas. Je ne supporte plus cette politique qui consiste à faire de la com pour donner le change, au lieu de traiter les problèmes.
Votre Conseil national à Menton a-t-il vocation à arrêter la ligne des Républicains sur l’Europe ? C’est une première étape. Je suis en train de construire une nouvelle droite, qu’il ne faut pas regarder avec les lunettes du passé. Elle sera unie sur les positions européennes qu’elle va porter. Il y a aujourd’hui sur l’Europe deux dangers : la posture de Marine Le Pen, qui consiste à proposer l’abandon de l’euro, qui serait catastrophique, et l’isolement de la France en quittant l’Europe. Mais l’autre posture, tout aussi dangereuse, est celle d’Emmanuel Macron, qui propose d’élargir l’Europe à l’Albanie et à la Macédoine, ainsi que l’entrée de la Bulgarie et de la Roumanie dans l’espace Schengen. C’est l’utopie fédéraliste qui a amené l’Europe dans le mur. Moi, je crois dans l’Europe, mais je ne crois plus dans ce que l’Europe est devenue. C’est précisément pour cela que je veux la refonder, en lui redonnant des principes simples : aucun élargissement, recontrôler nos frontières, arrêter la naïveté en donnant la priorité à nos entreprises et à nos produits agricoles à travers un patriotisme économique consistant à défendre d’abord nos entreprises. Il faut aussi rendre des compétences directement aux Etats, moins de normes. Mais là où l’Europe fait, être plus efficace : Erasmus est un programme extraordinaire mais trop peu de jeunes en bénéficient. On peut également, si on se met tous ensemble, trouver les vaccins contre les maladies neurodégénératives, ça c’est un grand projet européen. Sur certains domaines, je veux moins d’Europe, mais sur d’autres, je veux mieux d’Europe, une Europe concrète, des projets, pas l’Europe des normes qui exaspèrent tout le monde.
Valérie Pécresse, Christian Estrosi et Bruno Retailleau ont présenté leurs propositions sur l’Europe. Qu’est-ce qui vous rassemble et vous sépare ? Il ne faut pas tomber dans le petit jeu des divisions artificielles. Il y a des propositions qu’ils ont faites que je peux reprendre. Ma responsabilité est de prendre ce que chacun apporte de mieux.
Quel message avez-vous fait passer à Christian Estrosi lors de votre entrevue en mairie de Nice ? On a gouverné ensemble et gardé des liens. C’était une visite amicale. Je lui ai dit que le Christian Estrosi que je connais et que j’aime est un homme de convictions qui ne louvoie pas. Par ailleurs, Eric Ciotti est très proche de moi, il est le meilleur politique sur les questions de sécurité et d’immigration. Ma responsabilité est de tendre la main et d’oeuvrer au rassemblement.
Vous ne souhaitez pas être tête de liste aux européennes. Alors qui ? Jean Leonetti ? Le projet d’abord, la personnalité ensuite. On s’est trop habitué à la politique people. Je veux d’abord définir notre projet, ce que nous allons faire à Menton. Savoir qui tirera la liste viendra ensuite.
Emmanuel Macron est moins populaire, mais il le reste parmi vos électeurs. Ça restreint votre marge de manoeuvre… Je ne fais pas de la politique à la corbeille ou en fonction des sondages. Je suis là parce que j’ai une certaine vision de la France. Je sais ce que je veux faire. Je ne veux pas que la France change de nature, que ceux qui viennent de l’extérieur nous dictent leur loi. Je n’accepte pas que les classes moyennes et les retraités soient les premières victimes des augmentations d’impôts de Macron. On a écoeuré les gens lors de la présidentielle. Je dois reconstruire une nouvelle droite, mais les Français voient que malgré les critiques, je ne bouge pas, j’ai une colonne vertébrale.
Sur la SNCF, sur le travail, beaucoup disent que Macron a fait ce que la droite aurait dû faire depuis longtemps… Cette année, la France a délivré le record de titre de séjours à des étrangers. Jamais depuis quarante ans on n’en avait donné autant. Est-ce cela qu’attendent les électeurs de la droite et du centre ? Cette année, nous assistons aussi à un record de prélèvements obligatoires. Les retraités et les classes moyennes ont payé avec la CSG, on nous annonce à présent qu’on va taper sur les pensions de réversion. Il y a des choses que fait Emmanuel Macron, comme la réforme de la SNCF, qui sont positives. Je ne serai jamais dans l’opposition sectaire. Mais quand des sujets majeurs comme les impôts, la sécurité ou la question migratoire ne sont pas bien traités, la droite doit être au rendez-vous et devra faire le travail.
Les km/h méritent-ils une telle levée de boucliers, sachant que leur efficacité sera évaluée ? Ça va coûter des millions d’euros et on annonce déjà que si ça ne marche pas, on abandonnera ! On voit bien que c’est l’incarnation d’un Président et d’un Premier ministre enfermés dans leur bureau à Paris. Pour certaines routes on peut baisser, mais pour d’autres ça n’a pas de sens. Il faut laisser le terrain et les départements décider. C’est typiquement une décision technocratique coupée du terrain. Pour la sécurité routière, il vaudrait mieux investir pour améliorer les routes ! Et puis dans la colère, il y a aussi la hausse du prix de l’essence. Le Président n’écoute pas et ne comprend pas. Il faut remettre du bon sens.